LIENS INTERSECTORIELS

LIENS INTERSECTORIELS ET INFLUENCE DES POLITIQUES EXTÉRIEURES SUR LE DÉVELOPPEMENT FORESTIER

Résumé

Le présent document a pour but d'amener à mieux comprendre la nature des principaux liens intersectoriels qui influent sur le développement forestier ainsi que de faire ressortir, en ce qui a trait à l'influence des politiques extérieures au secteur, les domaines prioritaires qui doivent retenir l'attention et dans lesquels il faut prendre des mesures, conformément aux stratégies préconisées depuis 1985 par le Plan d'action pour la protection de la forêt tropicale (PAPFT) et, récemment, par Action 21, le plan d'action établi à la CNUED, où l'importance de l'influence du développement d'autres secteurs sur la foresterie et la nécessité d'harmoniser les mesures à prendre ont été soulignées.

Bien que l'importance des liens intersectoriels ayant rapport à la foresterie ait été généralement reconnue, peu de recherches et d'analyses systématiques ont été effectuées à ce sujet. C'est pourquoi il a été jugé préférable de présenter des exemples qui indiquent les principales interactions entre d'autres secteurs et le développement forestier. Des catégories principales de situations sont établies, et une matrice générale d'analyse des liens intersectoriels est proposée. Toutefois, aucune analyse particulière des liens dans chaque catégorie de situations n'a été tentée, car il faudrait qu'elle aille de pair avec la complexité des interactions, ce qui déborde le cadre du présent document.

Les principaux domaines où les politiques extérieures influent sur la foresterie sont ensuite relevés dans le but de souligner les importantes répercussions qui s'ensuivront en matière de stratégies à établir et de mesures à prendre en priorité. Ce sont les politiques macro-économiques, le développement rural et la diminution de la pauvreté, l'environnement et la conservation des ressources naturelles, le rôle changeant des institutions gouvernementales ainsi que la participation de plus en plus grande des communautés rurales et du secteur privé.

Des mesures à prendre en priorité sont proposées: l'examen des politiques nationales d'investissement, l'internalisation des effets extérieurs sectoriels sur la foresterie, l'externalisation des avantages que procure la foresterie, l'incorporation de la contribution économique de la foresterie aux comptes nationaux, l'examen des politiques et règles régissant l'utilisation et la propriété des terres, la modernisation des institutions chargées de la foresterie ainsi que de leur structure de même que la création de capacités d'analyse et de recherche en matière de politiques afin que le secteur forestier soit mieux outillé pour établir des liens avec d'autres secteurs.

Enfin, on souligne que les politiques macro-économiques et celles qui ont trait à l'utilisation des terres permettent en définitive de savoir si le développement forestier durable peut être une solution à long terme attrayante pour l'utilisation des terres. Il est proposé de vérifier leur influence en s'attardant en particulier sur la capacité de la foresterie de concurrencer d'autres utilisations des terres compte tenu des politiques, des institutions, des subventions et des encouragements actuels.

I. Introduction

1. Il est maintenant bien reconnu que les forêts et les activités forestières contribuent pour beaucoup à l'économie, à la sécurité alimentaire, à l'approvisionnement énergétique ainsi qu'à bon nombre d'aspects du bien-être environnemental et social. Tant dans l'hémisphère nord que sud, on se rend également compte que les méthodes classiques d'exploitation forestière ne peuvent à elles seules freiner le déboisement et la dégradation des forêts, qui se poursuivent à un rythme accéléré. Les mesures et les activités gouvernementales dans d'autres secteurs déterminent, au moins autant que les politiques forestières mises en oeuvre dans le secteur forestier, dans quelle mesure les forêts peuvent jouer leur rôle économique, social et environnemental.

2. Au moment de son lancement, le Plan d'action pour la protection de la forêt tropicale (PAPFT) reconnaissait déjà le rôle important joué par les secteurs connexes dans la conservation et la mise en valeur des forêts tropicales ainsi que la nécessité de les enrôler et d'harmoniser les mesures à prendre grâce à un ensemble de politiques uniformes et convergentes permettant de réaliser les objectifs des programmes d'action nationaux pour la protection des forêts. L'expérience a démontré qu'il était difficile de dialoguer convenablement avec d'autres secteurs reliés à la foresterie ainsi que d'y faire prendre des mesures à l'appui de celles mises en oeuvre dans le secteur forestier ou qui en sont le complément.

3. Le présent document s'adresse surtout aux décideurs et tente de faire comprendre les principaux liens intersectoriels ainsi que l'influence des politiques extérieures sur la contribution des forêts au développement durable et à la stabilité de l'environnement dans le cadre des principes sur les forêts et des considérations relatives à la foresterie qui figurent dans Action 21, le plan adopté à la CNUED. La section II décrit les liens intersectoriels généraux et les principales catégories de situations pour lesquelles d'autres analyses devraient être effectuées afin de relever les importantes interactions entre les politiques. Une matrice d'analyse est présentée à la section III. La dernière section propose des stratégies d'intervention possibles ainsi que des mesures à prendre en priorité.

II. Liens intersectoriels généraux et catégories de situations

A) Rappel des importantes questions de développement forestier durable découlant de la CNUED

4. Les résultats de la CNUED sont bien connus, mais il peut être utile de rappeler quelques-uns de ses principaux rejaillissements sur la foresterie et notamment sur le sujet du présent document.

5. La «Déclaration de Rio» a proclamé des principes généraux pour orienter les États et la population vers un «partenariat mondial nouveau et équitable» en matière d'environnement et de développement et a insisté sur la nécessité de faire de la protection de l'environnement un élément essentiel du développement afin de réduire et d'éliminer les méthodes de production et les habitudes de consommation non viables, d'adopter des lois environnementales convenables et efficaces ainsi que d'entreprendre au niveau national des évaluations des impacts sur l'environnement tout en mettant l'accent sur le droit pour chaque pays d'exploiter ses propres ressources selon sa politique d'environnement et de développement.

6. Action 21 demande d'intégrer et de coordonner les politiques et les mesures stratégiques à l'échelle nationale et internationale. Les programmes sociaux et économiques décrits ont clairement rapport à la conservation et à la gestion des ressources naturelles, et leur réalisation dépend des ressources et des moyens humains, technologiques, culturels et économiques disponibles.

7. Selon les principes forestiers s'appliquant à tous les aspects de la foresterie, «les stratégies et politiques nationales devraient constituer un cadre permettant d'intensifier les efforts et notamment la mise en place et le renforcement des institutions et des programmes de gestion, de conservation et d'exploitation écologiquement viable des forêts et des terres forestières», et il est absolument nécessaire d'intégrer globalement «tous les aspects de la protection de l'environnement et du développement économique et social associés aux forêts et aux terres forestières».

8. Le chapitre 11 d'Action 21, intitulé «Lutte contre le déboisement», souligne la nécessité d'intégrer les forêts à des approches intersectorielles générales en matière de développement durable. Il demande d'adopter au niveau national des mesures et des méthodes plus efficaces pour améliorer et harmoniser l'élaboration, la planification et la programmation. Il demande également de coordonner les politiques intersectorielles afin de préserver les rôles et les fonctions multiples des forêts et des terres forestières, d'intégrer les programmes d'exploitation forestière et les plans nationaux de gestion, de conservation et de développement durable des forêts aux autres modes d'utilisation des terres, de prendre des mesures concertées pour sensibiliser davantage la population à la valeur des forêts et aux avantages qu'elle procure ainsi que d'établir les systèmes nécessaires à l'observation continue des forêts et des terres forestières afin de les intégrer au processus national de planification et de prise de décisions.

9. Les principaux sujets préoccupants ayant trait aux forêts dans les domaines du développement durable et de l'environnement et dont il est question au chapitre 11 ainsi que dans les principes sur les forêts sont les suivants:

a) la gestion, la conservation et le développement durable des forêts;

b) la préconisation de méthodes de production et d'habitudes de consommation viables des produits et services que procurent les forêts;

c) les aspects sociaux des forêts;

d) le renforcement des institutions et la création de capacités.

10. L'influence des liens intersectoriels et les répercussions des politiques des secteurs liés à la foresterie doivent être déterminées et analysées dans le cadre de ces sujets. Les recherches effectuées pour déterminer les principales causes du déboisement, notamment dans les tropiques, ont révélé qu'il était dû entre autres à différents types de politique agricole et de technique de production de même qu'aux pressions démographiques et à certaines politiques macro-économiques (fiscales, commerciales, de fixation des prix, etc.). Les facteurs suivants peuvent avoir des répercussions sur le développement forestier:

- la perte de forêts productives due à leur défrichement et à leur conversion à d'autres utilisations, soit par des colons volontaires qui s'adonnent à la culture itinérante, soit en raison d'une colonisation planifiée pour des fins agricoles;

- la dégradation des bassins versants montagneux due à de mauvaises méthodes de labourage;

- la désertification et la dégradation des régions semi-arides et sub-humides en raison du surpâturage;

- la dégradation d'importants écosystèmes forestiers tropicaux et la diminution de la diversité des espèces.

11. Des répercussions négatives sur les forêts peuvent aussi se produire là où l'exploitation forestière se fait au voisinage de l'exploitation minière, de l'infrastructure et des activités touristiques, ce qui occasionne souvent d'importants changements dans l'utilisation des terres et des conflits avec les communautés forestières indigènes.

B) Principaux secteurs avec lesquels la foresterie est en interaction et qui influent sur l'exploitation forestière

12. Il faut examiner les politiques sectorielles qui influent le plus sur le secteur forestier. Ce sont les politiques démographiques, les politiques relatives à la propriété et à l'utilisation des terres, les politiques visant à accroître la production agricole, y compris celles touchant le prix des produits de la ferme et agricoles, et les politiques qui déterminent les possibilités d'emploi en dehors du secteur agricole. En outre, les politiques gouvernementales forcent souvent les paysans pauvres à s'installer sur des terres fragiles et marginales, et c'est précisément sur ces terres que l'exploitation forestière peut contribuer le plus au développement rural en s'attaquant aux problèmes jumeaux de la pauvreté et de la fragilité de l'environnement.

13. Dans la plupart des pays, le développement forestier a été décidé en isolement relatif par des administrations forestières centrales grâce à des politiques et des lois sur l'exploitation forestière tenant compte des priorités nationales en matière de création de revenus, de change extérieur et de développement économique. Les nouvelles attentes parfois incompatibles de groupes de plus en plus divers qui dépendent du devenir des forêts ou s'y intéressent sont une source de défis difficiles à relever en ce qui concerne les politiques relatives aux forêts et au développement national. Le problème qui se pose actuellement a trait aux relations complexes entre l'exploitation forestière, la sécurité alimentaire, la diminution de la pauvreté, le développement rural et la stabilité de l'environnement. Les nouvelles approches en matière de développement durable mettent davantage l'accent sur l'intégration du secteur forestier au développement durable et l'équilibre entre les besoins socio-économiques et environnementaux sur les plans local, national et mondial.

14. Les décisions stratégiques prises à l'extérieur du secteur forestier peuvent être déterminantes pour la durabilité de l'exploitation forestière. En raison de la demande accrue de terres pour les cultures et le pâturage, qui nécessite le défrichement des forêts, d'énergie pour satisfaire aux besoins des ménages et des industries rurales, qui donne lieu à la surexploitation pour produire du bois de chauffage, de bois pour la construction de maisons, qui oblige à abattre des arbres sans aucun contrôle et de matières premières que les gens de la campagne récoltent pour les vendre et se faire un revenu d'appoint, le problème fondamental qui se pose aux décideurs est la nécessité de s'attaquer aux causes essentielles de ces demandes: la croissance démographique, notamment en milieu rural, la pauvreté, la faim, l'accès injuste aux terres et aux moyens de production pour accroître la productivité agricole, le manque d'emplois et de revenus, le service de la dette et, en général, l'expansion économique qui exerce une pression sur la demande de produits et de services forestiers. Les décisions stratégiques et les moyens d'action qui, dans d'autres secteurs, permettent de s'attaquer à ces problèmes donnent lieu à des liens intersectoriels sur lesquels les responsables des politiques forestières ont ordinairement peu d'influence même s'ils peuvent faciliter, fausser ou freiner la mise en application des politiques forestières.

15. Les politiques fiscales, les taux de change, les conditions des concessions de terres publiques, le contrôle des prix, les réseaux de transport, les régimes fonciers et les droits de coupe, les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce international, les encouragements à l'investissement, les stratégies du secteur agricole et d'autres politiques macro-économiques peuvent tous avoir un effet sur la motivation économique ainsi que sur la gestion et la conservation des forêts tempérées et tropicales.

16. Les liens qui existent entre le développement forestier et les politiques macro-économiques, les politiques démographiques et sociales, les politiques agricoles et relatives à l'utilisation des terres ainsi que les politiques ayant trait à l'environnement, à l'énergie, à l'industrie, au commerce et à l'infrastructure, sont complexes et nécessiteraient une analyse moins succincte que le présent document ne le permet. C'est pourquoi il a été jugé préférable de choisir quelques exemples explicatifs qui pourraient stimuler la discussion et inciter à entreprendre une analyse plus approfondie.

17. Les politiques qui influent sur la propriété et l'utilisation des terres sont extrêmement importantes, car les ressources terrestres sont le commun dénominateur de toutes les politiques sectorielles portant sur les ressources naturelles et le développement rural. En outre, l'utilisation des terres fait partie intégrante de la durabilité. Une étude sur l'agriculture récemment réalisée par la FAO et la Banque mondiale en Équateur a surtout recommandé d'apporter des changements à la politique nationale au sujet des activités qui, tout en n'étant pas directement reliées au secteur forestier, influent sur ce dernier. En particulier, il est de toute évidence nécessaire d'améliorer l'utilisation des terres dans les régions de la Sierra et de la Costa afin d'empêcher les pressions migratoires de s'exercer sur les forêts tropicales humides (FTH). Il faut aussi prendre des décisions stratégiques qui tiennent compte de l'environnement en ce qui concerne l'exploration pétrolière dans les FTH et le développement de l'industrie des crevettes dans les mangroves. En général, la coordination intersectorielle des lois et des méthodes d'exploitation s'impose, pourvu qu'elle soit compatible avec la conservation de l'environnement.

18. Dans certains cas, des expériences ont montré les répercussions de la destruction des forêts sur la production agricole qui, lorsque l'environnement est fragile, peut bénéficier de la conservation de certaines régions forestières et d'arbres dans les systèmes de culture où l'exploitation agricole et forestière, l'élevage et les occupations secondaires sont entièrement intégrés. Dans le comté de Xiji de la région autonome de Mingxia Hui, en Chine, un important élément du système de brise-vent «Three North», on a par le passé trop mis l'accent sur le slogan «la production de céréales est le lien principal», et il en est résulté une forte destruction des forêts et une diminution du couvert forestier à 3,8 %. La perte d'un écosystème équilibré a causé la diminution constante de la production agricole.

19. Les politiques qui influent sur l'économie en général influent évidemment sur le secteur forestier, notamment sur l'économie du développement forestier et la compétitivité des investissements dans l'exploitation forestière. C'est particulièrement le cas pour le secteur forestier de l'Argentine, qui a fait l'objet d'une étude de la Banque mondiale en 1993, tout comme celui de bien d'autres pays. Des politiques macro-économiques inefficaces qui freinent la croissance contribuent à la destruction des forêts indigènes, comme en Argentine. L'instabilité macro-économique, qui a donné lieu à des taux de croissance faibles ou négatifs, a contribué à la perte des forêts indigènes (i) en réduisant les possibilités d'emplois procurant des revenus d'appoint aux familles rurales pauvres, ce qui a rendu plus attrayante l'agriculture de subsistance dans les régions forestières indigènes ou à proximité de ces dernières, (ii) en favorisant l'inflation, en faisant monter en flèche la demande de valeurs refuges et, par conséquent, la demande de terres comme valeurs refuges à long terme, mais dépourvues de liquidité, et de bétail comme valeur refuge à court terme, mais ayant beaucoup de liquidité; ces demandes ont encouragé le recul de la frontière aux dépens des forêts indigènes; (iii) en rendant plus rares les fonds de contrepartie, ce qui a privé les aires protégées et d'autres forêts indigènes de la protection efficace dont elles avaient besoin, et (iv) en réduisant la priorité accordée à la préservation des forêts indigènes au niveau national en raison de problèmes macro-économiques très urgents.

20. Les rentes possibles du secteur forestier des Philippines ont été estimées à plus de 1,5 milliard de dollars pour la période de 1979 à 1982, mais les rentes réelles se sont élevées à un peu plus d'un milliard de dollars. Cette différence fait ressortir l'inefficacité des politiques industrielles et fiscales qui ont encouragé le traitement inefficace des ressources forestières. Un billot exporté comme bois de sciage ou à l'état brut a rapporté des profits nets plus élevés que s'il avait servi à la fabrication de contreplaqué. Pendant cette période, les recettes totales du gouvernement provenant des droits de coupe et des taxes à l'exportation ont représenté environ 11 % des rentes potentielles. Les spécialistes concluent que l'incapacité du gouvernement à s'approprier une plus grande partie des rentes disponibles a favorisé le déboisement rapide en encourageant la montée en flèche de l'abattage du bois partout au pays.

21. Les politiques concernant l'irrigation et la production d'énergie influent fréquemment sur le développement forestier quand des motifs urgents d'emploi, de production et d'économie ont la préséance lorsqu'il s'agit d'établir des programmes de développement qui ne tiennent guère ou pas du tout compte du secteur forestier; souvent, les politiques forestières doivent s'adapter à cette situation. Une étude des interactions entre les politiques du secteur forestier et les programmes d'irrigation et de production d'énergie au Sri Lanka fournit un exemple des pressions exercées par la pauvreté et le chômage qui sont tellement généralisés en Asie, à court et à moyen terme, qu'il faut accorder la priorité aux programmes de développement économique à rendement rapide, ce qui veut invariablement dire que la politique forestière doit passer au second plan dans ce scénario, soit parce qu'elle n'a pas été reconnue ou que, s'il en existe une, elle a été rédigée en isolement en ne tenant guère ou pas du tout compte de ses liens avec le reste de l'économie et de l'environnement socio-économique.

22. Les politiques gouvernementales concernant le dialogue entre les secteurs et les groupes d'intérêt peuvent faciliter ou, au contraire, freiner l'interaction et les stratégies de développement convergentes. Par exemple, au Canada, des groupes d'écologistes, des communautés autochtones et non autochtones ainsi que des chercheurs scientifiques ont exprimé de graves préoccupations au sujet de la gestion des forêts. Bon nombre de ces groupes s'entendent sur quatre points: l'exploitation forestière a été axée sur la production de bois aux dépens de tous les autres intérêts; les communautés devraient participer à la prise de décisions au sujet de la forêt; la dépendance envers les mono-industries forestières est trop forte et mène à l'instabilité économique des régions rurales, et les pratiques forestières comme la coupe à blanc, l'utilisation de pesticides et la construction de routes endommagent l'environnement. Les gouvernements ont tendance à se donner des mandats distincts. Une politique globale est difficile à établir, et ce sont des lois et des règlements plutôt que des discussions qui permettent d'en arriver à des compromis. Ces problèmes ont forcé les organismes provinciaux et fédéraux qui s'occupent des forêts à éliminer les barrières entre les institutions ayant différents mandats, à adopter une philosophie de gestion de la forêt tenant compte de toutes les valeurs et à encourager la coopération entre les divers organismes et groupes d'intéressés pour qu'ils cherchent à atteindre des buts communs. Ces principes ont été à l'origine de la création des forêts modèles, gérées en partenariat par les principales industries intéressées, des groupes communautaires, des organismes gouvernementaux, des groupes d'écologistes, des établissements universitaires et des maisons d'enseignement, des groupes d'autochtones, des propriétaires fonciers privés, etc.

23. Les politiques qui déterminent le rôle et la structure de l'administration publique, notamment en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles et des terres publiques, influent beaucoup sur le développement forestier. Il faut accorder une attention particulière à la place que doit occuper la foresterie dans la structure de l'administration publique et institutionnelle. Cette place influe sur l'incorporation des forêts comme une option pleinement reconnue, convenablement intégrée aux politiques et aux plans relatifs à l'utilisation des terres de même que sur l'équilibre entre les fonctions de production et de protection de l'exploitation forestière. Comme il arrive fréquemment que les politiciens ne se soucient pas assez d'assurer à la foresterie une place convenable et suffisamment importante dans la structure institutionnelle, les institutions forestières sont faibles, ne réussissent pas à interagir avec d'autres secteurs et sont incapables d'amorcer et d'entretenir un dialogue satisfaisant avec d'autres secteurs d'utilisation des terres au sujet de l'harmonisation des politiques et stratégies portant sur les questions intersectorielles.

24. Les effets des nouveaux liens intersectoriels sur le développement forestier doivent être soigneusement surveillés lorsque les gouvernements modifient les rôles et responsabilités des secteurs public et privé ainsi que des organisations locales en matière d'utilisation et de gestion des terres en raison de changements macro-économiques et de la mise en oeuvre de programmes d'ajustement structurel. Les responsabilités à l'égard des questions se rapportant à l'environnement et aux ressources naturelles, qui incombent aux institutions gouvernementales auxquelles sont confiés les principaux secteurs d'utilisation des terres, font souvent l'objet d'une nouvelle répartition, et les droits de propriété et d'utilisation peuvent être dévolus à d'autres acteurs, au secteur privé, à des ONG, à des institutions locales et à des communautés organisées. Les organismes gouvernementaux se retirent des activités productives tout en conservant le pouvoir de s'attaquer à des problèmes sociaux-économiques plus précis et délicats, et ils réduisent ainsi leurs ressources financières et humaines, ce qui nécessite l'adoption de comportements institutionnels différents qui doivent s'orienter vers le leadership, la coordination et l'intégration ainsi que l'interrelation des politiques et des programmes dans les secteurs interdépendants. Dans ces cas, il est impératif de relever et de neutraliser les répercussions négatives irréversibles sur le développement forestier qui peuvent s'ensuivre et de prendre des dispositions permanentes pour assurer un dialogue intersectoriel.

25. Il est amplement prouvé que les interactions des politiques entre les secteurs influent sur l'utilisation des terres, la conservation des ressources naturelles et le développement forestier; il est donc absolument nécessaire de créer une capacité nationale permettant d'effectuer des analyses et des évaluations convenables des politiques. Les liens entre les politiques forestières et les politiques touchant les forêts sont difficiles à évaluer. L'analyse et l'évaluation des politiques sont fondamentalement subjectives et délicates du point de vue politique. Les conditions préalables suivantes semblent nécessaires pour le succès de ces études:

Conditions préalables sur le plan politique - Le processus d'analyse et d'évaluation doit être reconnu comme un élément essentiel de la stabilité politique et doit donc recevoir l'appui des fonctionnaires de haut niveau. Il exige aussi des encouragements positifs politiques et administratifs favorisant la critique des politiques.

Conditions préalables sur le plan organisationnel - L'analyse devrait permettre d'infiltrer le processus d'élaboration des politiques, c'est-à-dire qu'il devrait être intégré aux cycles décisionnels et à la budgétisation. Des services d'analyse des politiques doivent exister à tous les niveaux administratifs appropriés et être coordonnés par une unité centrale.

Conditions préalables sur le plan technique - Le processus exige une capacité convenable en matière d'évaluation (une compétence professionnelle), des cadres conceptuels, des méthodes d'analyse, des systèmes d'information et une capacité de rendre compte.

26. Pour effectuer une bonne évaluation des politiques, il faut adapter les méthodes aux buts visés, choisir les méthodes qui favorisent la participation active d'un large éventail d'organismes gouvernementaux, des ONG, des populations rurales et d'autres intéressés ainsi qu'intégrer des critères se rapportant à l'économie, au bien-être, à la participation et à l'environnement dans un cadre unifié. En plus d'être un exercice technique, l'évaluation des politiques fournit l'occasion d'établir un dialogue qui peut avoir pour résultat de mieux relier entre eux les secteurs connexes.

C) Stratification et caractérisation des principales catégories de situations

27. De tout temps, la forêt, qui occupe une grande partie des terres du globe, a été défrichée pour que l'homme s'adonne à l'agriculture, fasse paître les animaux et s'y établisse. En raison de l'accroissement de la population et de la richesse, la demande de terres agricoles, de produits et de services forestiers augmente. Le développement forestier exige donc un accroissement de la productivité et de la diversité des produits et services, tandis que la forêt doit rivaliser avec d'autres demandes et utilisations des terres.

28. Pour faciliter la mise en lumière des interactions entre différents secteurs et analyser leurs effets sur le développement forestier durable, on peut caractériser comme suit les situations écologiques et socio- économiques générales:

a) Les basses terres tropicales humides, dont la densité démographique peut être forte ou faible. Du point de vue socio-économique, le premier groupe présente une diversité d'infrastructures influencée par son développement antérieur et par la pression exercée par la population proportionnellement à la demande de terres, de nourriture, de combustible et de revenus. Les principales causes du déboisement sont l'empiétement illégal sur les forêts qui restent pour des fins d'agriculture de subsistance, d'agriculture industrielle et d'exploitation de ranchs, les programmes gouvernementaux de mise en valeur des terres et la création d'infrastructures matérielles. La dégradation est due à la réduction graduelle de la biomasse ainsi qu'aux changements dans la composition de la flore ou les propriétés du sol en raison d'une mauvaise utilisation et de la surexploitation.

Dans les terres à faible densité démographique, on trouve de vastes superficies de forêts tropicales intactes, principalement parce qu'elles sont peu accessibles et que la demande de nouvelles terres agricoles est faible. L'accroissement des activités agricoles et d'élevage est rarement fondé sur l'évaluation du potentiel des terres, la planification efficace de l'utilisation et de la mise en valeur des terres et la connaissance limitée des écosystèmes que possèdent les nouveaux colons. En outre, l'inefficacité de la mise en application des plans de gestion durable des forêts, l'insuffisance des investissements dans la conservation et l'exploitation des forêts, l'absence de volonté politique pour créer des domaines forestiers permanents de même que l'inexistence de débouchés et d'industries locales sont quelques-uns des facteurs qui freinent l'intégration des terres forestières au développement national.

b) Les hautes terres tropicales ou tempérées, dans bon nombre desquelles les effets de l'accroissement de la population sur le sol fragile et peu productif de même que sur les ressources hydriques se font sentir, sont fréquemment caractérisées par de vieilles cultures dont les traditions sont établies. Les systèmes d'utilisation des terres allient souvent l'exploitation agricole, le pâturage et la plantation d'arbres pratiqués de façon intensive dans de petites parcelles subdivisées par des générations successives. La plantation d'arbres se fait souvent autour des maisons ou dans de petits boisés, sur des terres qui se prêtent peu à l'agriculture. Le bois de chauffage et le fourrage peuvent être extrêmement rares.

c) Les terres arides et semi-arides.

Les sécheresses périodiques, le surpeuplement par les animaux domestiques, la culture excessive et les incendies ainsi que la récolte trop abondante de produits forestiers y ont grandement diminué les fonctions de protection et de production de la biomasse. De vastes étendues sont sujettes à la désertification, et la population rurale est exposée à des privations de plus en plus grandes. Toutefois, la végétation typique est extrêmement résistante et sert de tampon en absorbant jusque dans une certaine mesure les effets directs des sécheresses périodiques et les pressions accrues sur les ressources qui en résultent.

d) Les forêts tempérées et boréales. La majorité de ces forêts (87 %) se trouvent dans les pays industrialisés ainsi que dans un groupe de pays qui sont en train de passer graduellement de l'économie planifiée à l'économie de marché.

Les pays industrialisés ont recours à de nouvelles approches en matière d'utilisation des ressources naturelles. Les décisions stratégiques tiennent grandement compte de considérations d'ordre environnemental en raison des nouveaux besoins sociaux et des préoccupations accrues au sujet de la conservation de ces ressources. Le sol forestier est très stable même s'il subit de légères modifications en raison du défrichement de la forêt pour l'urbanisation ou de l'ajout d'arbres grâce au boisement des terres agricoles et des pâturages inutilisés et excédentaires. Les principaux problèmes sont causés par la pollution atmosphérique locale et transfrontière provenant surtout de sources industrielles, l'adaptation des politiques forestières à l'évolution du développement rural et agricole ainsi que par les politiques de conservation de l'environnement et de la nature.

Dans les pays en voie de transition à une économie de marché, la capacité de se procurer des devises étrangères grâce à une compétitivité accrue sur les marchés d'exportation est l'un des principaux problèmes que comporte le processus actuel de réforme macro-économique. La privatisation et les nouvelles orientations de l'agriculture, du développement rural et du régime foncier sont également d'importants éléments du contexte dans lequel l'exploitation forestière évolue. Pour le moment, dans la plupart des pays, les forêts sont encore presque toutes la propriété de l'État, et seulement quelques opérations et industries forestières ont été privatisées ou sont en train de l'être. Le processus de réforme, dans la mesure où il vise la foresterie, ne doit pas mettre en danger la durabilité à long terme de la ressource. Il doit comporter une soigneuse évaluation des différentes politiques sectorielles qui peuvent influer sur le développement forestier.

III. Liens intersectoriels et politiques de première importance influant sur le développement durable des forêts dans les principales catégories de situations.

29. À la lumière des principaux liens sectoriels et des situations écologiques et socio-économiques générales décrits plus haut, une matrice générale (voir le tableau 1) a été créée en vue d'analyses ultérieures. Les principaux secteurs de politique, certains éléments ou moyens d'action influant sur ces politiques, les liens permettant d'exercer une action sur l'exploitation forestière et les effets possibles sur le développement forestier sont mentionnés. Chaque secteur de politique peut normalement être identifié avec un ministère gouvernemental, ce qui permet de cibler les institutions. Il aurait été possible de se concentrer sur les principaux moyens d'action comme les politiques fiscales, les politiques de fixation des prix, les politiques de répartition des terres et leurs applications dans divers secteurs, mais il aurait alors été plus difficile de déterminer les responsabilités des institutions.

30. Pour déterminer les répercussions sur le développement forestier durable, il faut envisager leur côté positif ou négatif et ne pas se limiter au point de vue de la conservation. En outre, dans la plupart des cas, un lien intersectoriel peut avoir des effets positifs ou négatifs selon son mode de fonctionnement, les moyens utilisés et le comportement des groupes sur lesquels il influe.

31. La matrice générale se veut un outil de discussion et une approche indicative qui pourraient servir à l'analyse de chaque catégorie générale de situations dont il a été question plus haut. La création d'une matrice spécifique à chaque type de situation nécessite une analyse détaillée qui déborde de beaucoup les limites et la portée du présent document. Toutefois, une analyse de ce genre est sûrement indispensable pour préciser, dans chaque situation, les secteurs concernés, la nature des liens intersectoriels, le type de répercussions et la stratégie à adopter pour améliorer les liens négatifs et renforcer ceux qui sont positifs.

32. Par exemple, à l'interface entre l'exploitation forestière et d'autres secteurs d'utilisation des terres, le déboisement et d'autres effets négatifs sur les forêts seront en général reliés à l'insuffisance de la valeur attribuée à l'utilisation des terres pour l'exploitation forestière, aux revenus à court terme que procurent d'autres utilisations, à des droits de propriété et de coupe mal définis ainsi qu'aux conflits entre les communautés forestières indigènes et les groupes de nouveaux colons qui s'installent. La nature économique ou sociale de l'effet dépendra de l'interaction, soit par exemple des politiques de fixation des prix en agriculture comparativement à l'exploitation forestière ou des transactions concernant la possession et l'utilisation des terres ou des arbres, ou les deux à la fois. Il faut d'abord établir la nature financière, économique, sociale et institutionnelle des effets constatés pour comprendre la nature du lien intersectoriel et déterminer la portée des correctifs grâce à des stratégies appropriées et des mesures à prendre en priorité pour assurer le développement durable des forêts.

IV. PRINCIPALES RÉPERCUSSIONS EN MATIÈRE DE STRATÉGIES À ÉTABLIR ET DE MESURES À PRENDRE EN PRIORITÉ

33. Compte tenu de tous les liens mentionnés dans la matrice générale et dont la plupart sont généralement valables indépendamment de leur caractérisation géopolitique, les principales politiques sectorielles dont les changements peuvent avoir d'importantes répercussions sur la foresterie sont les suivantes:

- les politiques axées sur l'essor, la relance ou la stimulation de l'économie nationale, comme les politiques fiscales, monétaires, commerciales, industrielles et relatives à l'infrastructure;

- les politiques axées sur l'amélioration du bien-être et du niveau de vie de la population ainsi que sur la diminution de la pauvreté, spécialement en milieu rural, comme les politiques démographiques, énergétiques, touristiques, de développement rural de même que celles portant sur les cultures et l'élevage;

- les politiques axées sur la conservation de l'environnement et la protection des ressources naturelles, comme les politiques sur l'environnement, l'agriculture, les pêches, l'industrie et l'utilisation des terres;

- les politiques axées sur l'accroissement de l'efficacité du traitement ou l'intensification de l'utilisation des ressources naturelles, comme les politiques fiscales, commerciales, énergétiques et touristiques de même que celles portant sur la privatisation, l'environnement et l'infrastructure;

- les politiques axées sur la modification du rôle du gouvernement et la participation accrue des différents acteurs, comme les politiques énergétiques, industrielles, commerciales et touristiques de même que celles portant sur la réduction des dépenses publiques et la privatisation.

34. Ces politiques sectorielles empiètent les unes sur les autres dans une certaine mesure, et chacune influe sur le secteur forestier de différentes façons et dans des sens différents (positivement ou négativement). Il n'est pas facile de résumer les principales répercussions possibles sur le développement forestier, mais en voici un aperçu.

35. Essor, relance et stimulation de l'économie nationale. Une grande partie des politiques mentionnées, qui découlent des politiques macro-économiques et du processus d'ajustement structurel ou qui y sont reliées, visent à relancer l'économie en période de récession et à alléger la dette internationale, qui s'accroît. Ces problèmes se posent surtout pour les pays en développement, où l'attention accordée aux questions socio-économiques et aux politiques à court terme d'importance majeure et immédiate est rarement compatible avec les politiques, les buts et les stratégies à long terme établis par le secteur forestier et celui de l'environnement. Ces politiques, une fois établies, ont des effets à court et à moyen terme sur le développement forestier et peuvent donner lieu à une plus forte demande de produits forestiers, stimuler la production et les investissements dans les secteurs forestier et commercial, accroître l'exploitation des forêts naturelles, le reboisement et les possibilités d'emploi dans les régions rurales et industrielles, etc. Toutefois, elles peuvent aussi avoir pour résultat le déboisement, la surexploitation et l'utilisation non durable des ressources ainsi qu'orienter les opérateurs économiques de façon à réduire les dépenses, les investissements, l'attention accordée par le gouvernement et l'affectation de ressources à l'exploitation forestière. Pour que le secteur forestier ne subisse pas de répercussions négatives, il faut qu'il participe aux consultations préalables aux décisions à prendre par le gouvernement au sujet des attentes économiques et des moyens à employer pour appliquer les politiques.

36. Amélioration du bien-être de la population et diminution de la pauvreté en milieu rural. Différentes politiques étroitement reliées entre elles peuvent fournir au secteur forestier de nombreuses occasions de contribuer à réaliser les objectifs de ces politiques ainsi qu'à satisfaire à ces demandes sociales, notamment grâce à l'agrosylviculture, aux produits forestiers non ligneux destinés à la consommation humaine et animale, aux plantes médicinales, aux fruits, à la protection du sol, à la création de revenus d'appoint et d'emplois dans les petites entreprises forestières rurales, à l'agrotourisme et aux loisirs. Dans bien des pays en développement, il faut surtout s'attacher à déterminer dans quelle mesure les politiques et stratégies sectorielles assurent systématiquement la sécurité de la propriété des terres, des ressources et des produits, stimulent la participation de la population rurale, des groupes d'autochtones et des communautés pour en arriver à une production forestière durable, assurent la viabilité économique des régions rurales et intègrent la planification de l'utilisation des terres à la gestion de ces régions.

37. Conservation et amélioration de l'environnement, et protection des ressources naturelles. Dans ce secteur, les politiques auraient des effets à court terme comme l'utilisation des terres forestières productives à d'autres fins, p. ex., comme parcs nationaux et réserves, ce qui aurait pour résultat de réduire l'approvisionnement en produits forestiers. À long terme, ces politiques favoriseront la modification des pratiques sylvicoles en vue d'intégrer la biodiversité et la conservation des écosystèmes à la gestion durable des forêts, permettront d'accroître et de diversifier la productivité des forêts et rendront les industries forestières plus efficaces du point de vue économique et environnemental. La demande de matières premières, provenant en particulier des forêts naturelles, diminuera parce que leur utilisation plus efficace et leur recyclage seront stimulés. Les efforts déployés pour définir des indicateurs afin d'évaluer la gestion durable des ressources naturelles, y compris les forêts, visent à mesurer les progrès accomplis en vue de la réalisation de ces buts.

38. Accroissement du traitement et de l'utilisation des ressources naturelles. Les préoccupations de plus en plus grandes du public au sujet de l'utilisation des ressources, l'intensification ou le déplacement des opérations de traitement et la mondialisation des marchés, p. ex., l'essor de l'exploitation minière, la mise en valeur de l'énergie hydroélectrique, l'exploration des gisements de combustibles fossiles, etc., ont d'importants effets à moyen et long terme sur l'exploitation forestière. Guidés par de nouvelles politiques macro-économiques, beaucoup de pays en développement et de pays en transition vers une économie de marché ont privatisé un grand nombre d'entreprises publiques pour accroître leur efficacité technique et économique ainsi que favoriser une utilisation plus rationnelle des ressources forestières et des facteurs de production qui s'y rapportent. La libéralisation du commerce stimulera l'offre et la demande de produits forestiers, et la compétition améliorera leur qualité. Toutefois, l'intégration de mesures de protection de l'environnement aux politiques commerciales (p. ex., les étiquettes écologiques et les interdictions relatives aux bois des forêts tropicales) peut avoir des effets discutables sur le secteur forestier. Elle peut favoriser la réduction de l'offre, du commerce et de la demande de certains produits forestiers provenant des forêts naturelles mais aussi le déboisement en raison de la perte d'intérêt économique dans ces produits de la part de la population rurale, des secteurs privés et des gouvernements.

39. Modification du rôle des institutions gouvernementales. Les nouvelles tendances économiques et politiques indiquent une orientation évidente vers la réduction de la participation et des activités des institutions publiques dans tous les secteurs. Depuis toujours, dans la plupart des pays, la foresterie a été un secteur où l'État joue un rôle important en tant que propriétaire et producteur ou exerce un contrôle rigoureux sur les activités réalisées par d'autres organisations. Aujourd'hui, la participation réduite des corps publics au développement économique national et la diminution des dépenses publiques qui en est résulté a donné lieu à une participation accrue d'autres acteurs comme le secteur privé, les ONG, les communautés rurales, les associations de personnes et les institutions locales. La privatisation des entreprises forestières publiques, des activités sur les terres forestières publiques, des services de vulgarisation et de la recherche est de plus en plus en vogue dans bon nombre de pays industrialisés et en développement. La décentralisation des fonctions au profit des secteurs régionaux et locaux a aussi stimulé la participation de la population locale à l'exploitation forestière. La responsabilité des institutions forestières publiques consiste maintenant davantage à orienter le développement forestier national en fonction du principe de la durabilité, à intégrer les efforts et à encourager la participation des différents acteurs, à harmoniser les politiques et les stratégies forestières avec celles d'autres secteurs, à sensibiliser davantage les politiciens et le public, à faire mieux comprendre les questions forestières ainsi qu'à participer aux négociations nationales et internationales et aux ententes sur la foresterie.

40. Les choix de politiques et de stratégies dans d'autres secteurs influent sur l'exploitation forestière dans la mesure où les acteurs qui jouent un rôle direct dans le secteur ont peu de latitude à cet égard et où les institutions responsables ne peuvent envisager de prendre des décisions stratégiques ni d'y donner suite sans tenir compte des interactions avec ces autres secteurs.

41. Il est donc nécessaire d'analyser continuellement les répercussions des divers éléments du cadre stratégique national et de déterminer les mesures à prendre en conséquence dans le secteur forestier pour assurer la gestion durable des forêts. En particulier, en raison de son importance spéciale, la question de l'utilisation des terres exige la mise sur pied de mécanismes de collaboration entre le secteur forestier et les secteurs connexes. Ces mécanismes devraient permettre la tenue de consultations régulières afin de cerner les domaines ou les dossiers pour lesquels l'élaboration et la mise en application des politiques devraient être harmonisées ou qui exigent des réformes en vue de l'adoption de systèmes convergents et durables d'utilisation des terres.

Mesures à prendre en priorité

42. L'examen des interactions entre les politiques qui vient d'être effectué permet de faire ressortir certaines mesures qui renforceraient, favoriseraient et amélioreraient les effets de l'interaction entre différents secteurs socio-économiques et le secteur forestier, mais il est important, comme condition préalable, de bien et mieux renseigner les politiciens et le public ainsi que de faire connaître le rôle et l'apport du secteur forestier.

A. Examen des politiques nationales d'investissement. Les investissements sont surtout orientés vers les secteurs qui permettent nettement, directement et rapidement d'atteindre les objectifs de développement national ou ceux qui sont indispensables pour contribuer ou concourir au bien-être social. Il est rare que le secteur forestier et celui de l'environnement soient aussi prioritaires. Dans les pays industrialisés, les questions d'environnement retiennent davantage l'attention du public et du secteur privé en raison de l'intérêt du public et des pressions qu'il exerce ainsi que de la capacité à déployer des ressources, bien qu'il incombe au secteur privé de faire les plus gros investissements, que les gouvernements encouragent grâce à des incitations fiscales et des règlements visant certains secteurs en particulier, comme l'industrie, l'infrastructure et le tourisme. Dans les pays en développement, c'est surtout le gouvernement qui s'occupe d'investir dans le secteur forestier, souvent pour l'établissement de plantations seulement, et lorsque les investissements sont faits par le secteur privé, ils sont financés grâce à des politiques fiscales (prévoyant des exemptions d'impôt ou des déductions de l'impôt sur le revenu). Pour que les activités des secteurs forestier et de l'environnement jouent un rôle important dans l'économie nationale, le gouvernement et les principaux secteurs d'investissement devraient affecter de plus en plus de ressources à ce domaine d'activités, ce qui démontrerait la reconnaissance mutuelle de l'égale importance de l'apport de la foresterie au développement national. Toutefois, à l'échelle internationale, les ressources investies dans le secteur forestier sont également limitées, comme on peut le voir dans le tableau 2, et il faut aussi accorder la priorité à leur augmentation.

B. Internalisation des effets extérieurs sectoriels sur la foresterie. Des mécanismes devraient être mis sur pied dans le but d'internaliser les coûts des répercussions sur la foresterie des différentes politiques appliquées dans d'autres secteurs. Parmi les répercussions négatives, on peut mentionner : la surexploitation et le déboisement des forêts indigènes dus à des politiques agricoles, minières, énergétiques, macro-économiques, commerciales et d'infrastructure; la pollution et la contamination des forêts causées par des politiques permettant l'emploi de techniques désuètes, notamment dans les industries, l'exploitation minière et la production ainsi que l'utilisation de l'énergie; le défrichement des forêts résultant de l'application de politiques fiscales et monétaires favorisant l'expansion effrénée de l'agriculture et de l'élevage, et l'abandon des terres et des activités forestières en raison de politiques d'urbanisation et de développement industriel. Par contre, les politiques d'autres secteurs peuvent avoir des effets positifs sur la foresterie, tel qu'indiqué dans la matrice générale. Les mécanismes à mettre sur pied devraient permettre de relever les répercussions négatives sur la foresterie, d'évaluer leur coût et de faciliter le transfert de ressources équivalentes pour réaliser des activités ou des programmes compensatoires dans le secteur forestier.

TABLEAU 2: Tendances des investissements pour les exercices 1991 à 1993 (BIRD et AID)

Secteur Total

(en millions $ US) Pourcentage

Agriculture et développement rural

3 226,7

13,8 (*) Sociétés financières de développement 582,0 2,5 Éducation 2 006,2 8,5 Énergie 3 586,1 15,1 Industrie 1 086,6 4,6 Hors projets 3 580,8 15,1 Population, santé et nutrition 1 811,6 7,6 Gestion du secteur public 608,6 2,6 Aide technique 512,9 2,2 Télécommunications 353,1 1,5 Transports 3 168,7 13,4 Développement urbain 1 978,7 8,4 Services d'approvisionnement en eau et d'égouts 1 153,9 4,9 Total 23 695,9 100,00

(*) Comprend les investissements dans le secteur forestier s'élevant à 1 553,6 millions $ US et représentant 47,6 % des investissements du secteur et 6,56 % de ceux de tous les autres secteurs

Source: Centre des investissements, DDC et FAO

C. Externalisation des avantages que procure la foresterie. Comme dans le cas précédent, des mécanismes appropriés devraient être mis sur pied pour faire payer à ceux qui en profitent les avantages que procure la foresterie, comme le reboisement et la saine gestion des forêts autour des bassins versants et des réservoirs dans les régions d'amont qui assurent l'approvisionnement en électricité, la fourniture d'eau non contaminée et d'autres avantages dans les régions d'aval, le boisement et la conservation des forêts pour absorber le CO2 afin d'améliorer le climat du globe et d'assainir l'environnement. Jusqu'à présent, très peu d'efforts ont été déployés pour faire rembourser les coûts de ces avantages retirés de la foresterie afin de recueillir plus de fonds pour investir davantage dans le secteur. Les pays devraient trouver des moyens concrets d'évaluer ces contributions de la foresterie au développement économique national durable et de les faire payer à la société pour financer les investissements qui s'imposent.

D. Incorporation de la contribution économique de la foresterie aux comptes nationaux. Le système de comptabilité nationale a été établi dans les années 30, alors que les matières premières étaient bon marché et que seulement quelques personnes pouvaient prévoir les dangers pour l'environnement qui sont aujourd'hui un sujet de préoccupation courant. De nos jours, le système de comptabilité est particulièrement peu efficace pour les pays dont les ressources naturelles comptent parmi les principaux actifs économiques. Bon nombre d'économistes sont d'avis que le système de comptabilité nationale devrait être révisé de façon à traiter les ressources naturelles comme les biens produits par l'homme. Actuellement, ce système ne tient pas compte des effets de l'appauvrissement et de la dégradation des ressources. L'appauvrissement des ressources naturelles d'un pays, c'est-à-dire, la consommation de biens naturels, peut donc passer pour de la croissance pendant des décennies même s'il est évident qu'il réduira dans le futur les possibilités de revenus des secteurs des ressources naturelles. Une bonne comptabilité de la contribution économique du secteur forestier au développement socio-économique national exige une analyse et une évaluation minutieuses de ses valeurs d'utilisation et de non-utilisation mettant en lumière l'importance économique et sociale du secteur.

E. Contrôle de l'utilisation des terres. La politique d'utilisation des terres devrait reconnaître que les terres sont des ressources limitées exigeant un soigneux contrôle en fonction d'objectifs de durabilité. Les politiques nationales fournissent un cadre global, mais c'est dans le cadre de planification régionale, de district et locale que bien des politiques sur la durabilité sont mises en application. Malheureusement, bon nombre d'entre elles traitent des terres forestières comme si c'était en quelque sorte un fonds terrien ou un réservoir public auquel on peut puiser en cas de conflit social en milieu rural sans tenir compte de leur potentiel d'utilisation ou de leur convenance. Les conséquences de ces politiques sont bien connues, notamment pour les basses terres tropicales sèches. Il faudrait aussi se pencher sur la question des vastes étendues de terres improductives où la forêt a déjà été défrichée et chercher à savoir comment elles pourraient être réutilisées de façon économique plutôt que de défricher d'autres terres forestières. En Europe et aux États-Unis, le boisement des terres agricoles excédentaires est encouragé par des politiques de «mise à part» préconisées par l'Union européenne.

F. Modernisation des institutions chargées du secteur forestier. Le caractère important des questions dont il est fait état dans le présent document, l'importance socio-économique et environnementale de la foresterie pour le développement durable des pays, les différents aspects que comporte directement ou non le secteur de même que les divers acteurs qui y jouent un rôle direct ou indirect exigent la révision de la gestion politique et institutionnelle du secteur forestier.

La rigidité et la résistance au changement de la gestion publique de la foresterie ont considérablement freiné l'élaboration de politiques forestières plus souples et ouvertes sur l'extérieur. Comme le personnel forestier est isolé des décideurs nationaux, cette question est également préoccupante, et il en résulte que le secteur forestier se voit accorder une faible priorité dans les plans nationaux et les affectations financières. Ces difficultés sont d'autant plus grandes que les responsabilités sont réparties entre différents ministères, y compris ceux des forêts, de l'agriculture, de l'environnement et des ressources naturelles, que la place occupée par la foresterie dans la structure gouvernementale varie d'un pays à l'autre et que deux ou plusieurs ministères se partagent parfois les responsabilités du secteur forestier. Le manque de personnel, de spécialistes dans plusieurs disciplines et de compétences gestionnaires modernes impose une autre contrainte. Des efforts devraient être déployés pour que l'appui politique au secteur soit plus vigoureux grâce à des relations publiques dynamiques visant à améliorer les mécanismes de coopération et de coordination avec les organismes gouvernementaux et au sein de ces derniers, avec le secteur privé, les ONG, les communautés et entre les pays ainsi qu'à rendre plus efficace la gestion du secteur forestier en comblant ces lacunes institutionnelles. Toutefois, en raison du rôle de plus en plus important joué par différents acteurs dans le domaine de la foresterie, il faut qu'ils se partagent les responsabilités et la gestion de ce secteur et donc que la gestion publique de ce secteur prenne de nouvelles dimensions institutionnelles. Les mesures à prendre pour créer des capacités doivent viser à accroître la compétence non seulement des fonctionnaires, mais aussi de ces acteurs, notamment des petits agriculteurs et des groupes communautaires organisés.

G. Création dans le secteur forestier de capacités suffisantes d'analyse et de recherche en matière de politiques. De bonnes politiques sectorielles ne peuvent être élaborées en isolement; elles doivent tenir compte du cadre général des objectifs nationaux de développement économique et social. Dans l'élaboration des politiques forestières, il faut prendre en considération les domaines où il y a chevauchement ainsi que les interconnexions et les interactions dans le secteur, à l'extérieur du secteur et même au-delà des frontières du pays. Il est important de prendre des mesures pour renforcer les capacités du secteur en ce qui concerne l'analyse des politiques et des répercussions ainsi que l'élaboration et la mise en application des politiques, ce qui exige des activités de formation et de recherche dans le secteur mais nécessite la participation d'institutions et de professionnels compétents dans les secteurs connexes. Pour ce qui est de la recherche sur les politiques intersectorielles, la priorité doit être accordée à la croissance démographique par rapport au reboisement et à l'utilisation durable des terres, aux répercussions de la politique économique, de l'industrialisation et de l'évolution des institutions de même qu'à la modification des responsabilités en matière de gestion des ressources naturelles.

H. Coopération internationale. Bon nombre de questions analysées ne peuvent être résolues que par des mesures prises à l'échelle nationale, mais la coopération internationale peut être le catalyseur permettant de sensibiliser tous les secteurs socio-économiques à la nécessité d'examiner les effets que leurs politiques, stratégies et actions auront dans les autres secteurs. L'évaluation des répercussions des politiques devrait être chose courante dans ces institutions, notamment à la FAO et dans les institutions financières comme la Banque mondiale et les banques de développement régional, mais aussi dans les institutions bilatérales qui, aujourd'hui, fournissent de plus en plus d'aide technique et financière aux divers secteurs des pays en développement.

Du point de vue financier, des efforts devraient être déployés, grâce à la coopération internationale, pour accroître l'aide financière à la foresterie, directement au secteur ou aux activités et initiatives spéciales d'autres secteurs qui peuvent stimuler le développement forestier. Ce type d'attitude peut promouvoir le dialogue, la coordination et l'interaction entre le secteur forestier et les autres secteurs socio-économiques, contribuer à l'amélioration des relations intersectorielles et aider à établir une ligne de conduite plus ferme en matière de développement durable au niveau national.

Enfin, la coopération internationale peut aider les pays à se donner de meilleurs moyens d'analyser les politiques en favorisant l'échange d'informations entre eux. L'avancement des connaissances et une meilleure compréhension dans les pays et les régions de même qu'entre les institutions internationales s'intéressant à la foresterie, notamment en ce qui a trait à la recherche de solutions aux problèmes et questions signalés dans le présent document, contribueront à modifier les méthodes d'exploitation forestière, tant à l'échelle nationale qu'internationale, de façon à respecter les principes du développement durable.

V. Conclusions

43. L'analyse ici présentée confirme l'importance et la complexité des liens intersectoriels et l'influence des politiques extérieures sur le développement forestier durable. Les interactions entre les politiques sont particulièrement importantes dans le cadre général des politiques macro-économiques et d'utilisation des terres. Pour que les efforts déployés à l'avenir en vue de la conservation et de la mise en valeur des forêts donnent les résultats escomptés, il faut être en mesure d'améliorer les politiques qui s'y rapportent et d'assurer que, en matière d'utilisation des terres, les forêts soient une option aussi valable que les autres.

44. Les forêts ont rarement pu concurrencer d'autres utilisations des terres, sauf dans les pays qui accordent depuis longtemps certaines formes de subventions à leur égard. La question fondamentale qui se pose est donc la suivante : quelles sont les conditions nécessaires pour que la conservation et la mise en valeur des forêts soient une option concurrentielle, c'est-à-dire, attrayante? C'est le secteur forestier lui-même qui fournit en partie des éléments de réponse, qui se rapportent en particulier aux prix et aux valeurs des produits et services forestiers ainsi qu'aux coûts à payer pour la durabilité.

45. D'autres secteurs permettent de trouver d'importants éléments de la réponse grâce aux liens intersectoriels. Compte tenu de la confluence très complexe des effets d'autres secteurs sur la place du développement forestier durable parmi les options d'utilisation des terres, il est proposé qu'une attention particulière soit accordée aux trois facteurs suivants :

(i) les politiques : le relevé et la réforme des politiques qui contribuent à l'instabilité macro-économique ainsi qu'à la hausse des taux d'escompte et créent donc un climat peu favorable à la rentabilité de la foresterie, qui peut s'aggraver en raison de l'insécurité des droits de propriété et d'utilisation des terres;

(ii) les institutions : l'évolution du cadre institutionnel et la réforme du secteur public, dans la mesure où elles influent sur la répartition des responsabilités et la coopération entre les divers gestionnaires des ressources naturelles; le développement forestier exige l'élaboration d'options complémentaires et la recherche d'approches harmonisées par les institutions et les groupes d'intérêt pouvant participer au processus décisionnel;

(iii) les subventions et les encouragements : les subventions accordées aux utilisations concurrentielles des terres peuvent complètement fausser la validité de l'option forestière et déterminer le comportement des agents économiques. Même en l'absence de subventions, la gestion des forêts naturelles sera rarement profitable, particulièrement s'il faut tenir compte de contraintes en matière de conservation et d'environnement; il faut soupeser soigneusement les indemnisations et les encouragements à accorder pour faire de la gestion durable une option valable en regard de la rentabilité des autres utilisations des terres et de l'empressement des consommateurs ou des importants groupes d'intérêt à payer.

46. Enfin, il est inutile d'entreprendre des discussions positives au sujet de l'influence des politiques extérieures sur le développement forestier sans tenir compte des principaux facteurs exogènes qui influent sur les politiques nationales et sectorielles. Ces facteurs peuvent résulter des politiques des pays avoisinants ou des regroupements régionaux (p. ex., la CEE et l'ALENA) ou avoir pour cause des facteurs internationaux, notamment les relations commerciales et, au cours des dernières années, les politiques sur l'environnement. Les pressions extérieures influant sur la politique peuvent être exercées directement sur le secteur ou indirectement par des événements qui se produisent à l'étranger et influent sur la politique nationale. Les politiques d'aide internationale et d'investissement à l'étranger fournissent aussi des exemples de signaux divergents et parfois contradictoires envoyés, même au sein d'une seule institution, au sujet des réformes économiques, de la croissance et de la stabilité de l'environnement. Il est souvent difficile pour les gouvernements nationaux de concilier la durabilité économique avec celle de l'environnement pour établir une véritable définition des priorités grâce à un dialogue entre les agents nationaux, ce qui peut influer sur le développement forestier.

TABLEAU 1: Matrice des répercussions possibles sur le développement forestier des politiques extérieures au secteur forestier PRIVATE Secteurs de politique Moyens d'action Liens intersectoriels créés par les moyens d'action Répercussions sur le développement forestier durable (sociales, économiques, environnementales et politiques) Observations1 - Politiques macro- économiques

. Politiques fiscales

. Politiques monétaires

Privatisation

. Dépenses publiques Intégration économique Politiques et programmes concertés d'investissement Intensification du mouvement des investissements dans le développement forestier sur les plans national et international, accroissement de la concurrence et du commerce dans le secteur des produits forestiers Accent mis davantage sur la qualité de vie Création d'indicateurs de la qualité de vie (la santé, l'environnement, l'éducation, la culture, etc.) Demande accrue en ce qui concerne la conservation des forêts naturelles dans le cas de l'aménagement paysager, des ceintures de verdure composées d'espèces locales, des loisirs et de la foresterie urbaine Le recyclage accru des produits forestiers et du papier influe sur la demande de matières premières Accent mis davantage sur le développement durable Mesures de réglementation et instruments économiques visant à assurer la durabilité de l'économie et de l'environnement dans tous les secteurs Modification des pratiques sylvicoles, accent sur l'utilisation des ressources renouvelables, réduction des déchets et accroissement du recyclage Politiques monétaires et de crédit Allocation de crédits et de subventions, taux d'intérêt Les taux d'escompte, les subventions et les capacités d'investissement déterminent la compétitivité de l'investissement dans le développement forestier comparativement aux activités concurrentielles L'inflation et les risques que présentent les investissements influent sur les taux d'escompte et donc sur la concurrence entre l'agriculture, l'élevage du bétail, la foresterie et d'autres utilisations des terres Politiques commerciales Taux de change, mesures de contrôle des importations, encouragement à traiter davantage les produits forestiers et exportations Possibilités de modernisation des opérations forestières et efficacité du traitement, répercussions sur les demandes de matières premières Importance du traitement fiscal des concessions forestières et des droits imposés en fonction de la superficie ou du volume Politiques fiscales Niveaux de taxation, droits de coupe Privatisation et modification du rôle du secteur public Cadre légal, réduction du rôle et des dépenses du secteur public L'élargissement du rôle du secteur privé et la réforme des institutions publiques, y compris les services forestiers, influent sur les fonctions sociales et environnementales des forêts Allégement fiscal ou encouragements à l'appui des services de l'environnement et d'autres services publics. Appui plus ou moins grand à la communauté forestière PRIVATE Secteurs de politique Moyens d'action Liens intersectoriels créés par les moyens d'action Répercussions sur le développement forestier durable (sociales, économiques, environnementales et politiques) Observations1 - Population et Affaires sociales Encouragements à créer plus d'emplois Investissement dans les petites industries et les nouvelles activités, perfectionnement de la formation Meilleure utilisation des ressources et des capacités Réaffectation des fonds publics ou bien-être social Affectation de plus de fonds au développement rural dans les régions éloignées ou pauvres pour lesquelles la foresterie peut être une importante possibilité de développement Accroissement de l'investissement dans la gestion des forêts et des boisés, boisement, production de bois et création d'emplois grâce au traitement et à la commercialisation Importance de la création de débouchés pour les produits forestiers non ligneux et les petites entreprises forestières Expansion démographique et nouveaux peuplements Amélioration de l'infrastructure, modification des utilisations des terres et création de nouveaux domaines d'activités économiques Mesure dans laquelle l'incorporation des forêts et des activités connexes est planifiée efficacement et rendue obligatoire par les gouvernements - Agriculture et bétail Encouragements, subventions et aide

(i) soit pour accroître la production alimentaire et agricole

(ii) soit pour les activités et les services autres que la production alimentaire et les politiques de «mise à part» des terres agricoles (i) fixation des prix des produits agricoles par opposition aux produits forestiers, subventions accordées à la mécanisation, encouragements fiscaux à l'agriculture et à l'élevage du bétail

(ii) abandon des terres agricoles marginales, aide accordée pour les autres utilisations des terres, assistance aux agriculteurs des régions désavantagées La plupart du temps, les gouvernements ont encouragé le défrichement des forêts pour l'agriculture et le pâturage sans tenir compte de la durabilité à long terme

Régénération naturelle et boisement, notamment des terres agricoles abandonnées, pour des fins sociales, environnementales et économiques Réglementation et mesures fiscales Encouragement à adopter des méthodes rentables et respectueuses de l'environnement Augmentation du nombre de techniques agro-forestières, boisement, disponibilité accrue de terres agricoles pour d'autres utilisations PRIVATE Secteurs de politique Moyens d'action Liens intersectoriels créés par les moyens d'action Répercussions sur le développement forestier durable (sociales, économiques, environnementales et politiques) Observations1 - Utilisation et propriété des terres Promulgation officielle d'une politique d'utilisation des terres englobant toutes les politiques sectorielles sur les ressources naturelles et le développement rural et soutenue par des mesures convenables assurant l'efficacité de sa mise en application Système obligatoire de classification des terres reconnaissant leurs principales utilisations ainsi que leurs fonctions de production et de protection. Cadre légal pour la délimitation des terres, les titres de bien-fonds et la sécurité de la propriété Des droits de propriété de la forêt assurés et des responsabilités précises en matière de gestion de même que des droits de coupe indiscutables et assurés sont déterminants pour le développement forestier durable, et il s'ensuit que les groupes d'intérêt (les propriétaires privés, les concessionnaires, les groupes d'utilisateurs et les communautés locales) ont à coeur la durabilité à long terme de la forêt Importance d'arrangements légaux particuliers reconnaissant le rôle des groupes d'utilisateurs dans la gestion de la forêt et spécifiant les clauses des ententes sur les concessions «Sodbuster», «Swampbuster» et autres mesures de conservation du sol (États- Unis) Subventions accordées pour la «mise à part» des terres et autorisées par un règlement Pression accrue sur d'autres secteurs, y compris les terres forestières Nécessité de repenser, non durabilité Subventions et allégements fiscaux pour les nouvelles activités rurales ou leur accroissement (p. ex., le programme australien Landcare) Appui du développement régional aux régions rurales; groupes d'entraide dans tous les secteurs, aidés au besoin par les gouvernements grâce à des mesures ayant un effet catalyseur Amélioration des conditions de vie et de l'emploi dans les régions rurales; élimination de la pression exercée sur les ressources naturelles rendant possibles parallèlement l'exploitation forestière, la plantation d'arbres et l'utilisation rationnelle de la forêt Quelques exemples de réussites et d'importantes économies - Environnement Plans nationaux pour l'environnement, stratégies nationales de conservation du sol et plans nationaux de lutte contre la désertification Stratégies harmonisées englobant tous les secteurs d'utilisation des terres; mesures collectives prises par des groupements agricoles et communautaires pour conserver le sol et l'eau, y compris la plantation d'arbres avec l'aide du gouvernement Élaboration à l'échelle nationale de projets de conservation des ressources naturelles. Répercussions sur le développement forestier durable Assurance d'une plus grande durabilité Adhésion aux ententes et conventions internationales Réduction ou élimination de la pollution de l'environnement Amélioration de la santé des forêts et restauration des forêts endommagées Établissement en vertu d'une loi d'aires protégées et de réserves naturelles Conservation de la diversité biologique et génétique, et protection des ressources en danger de disparition Conversion des zones de production du bois en aires protégées, réduction de l'approvisionnement en bois et mesures de protection de l'environnement plus rigoureuses pour les opérations forestières PRIVATE Secteurs de politique Moyens d'action Liens intersectoriels créés par les moyens d'action Répercussions sur le développement forestier durable (sociales, économiques, environnementales et politiques) Observations1 - Énergie Fixation des prix et distribution Disponibilité et prix des combustibles pour usage domestique et les petites industries ainsi que du pétrole pour la mécanisation et le transport Récolte et commercialisation accrue du bois destiné au chauffage dans les forêts et les boisés; demande de bois de chauffage pour utilisation en milieu urbain et rural.

Expansion de l'agriculture grâce au défrichement des forêts et à la culture des terres marginales Dans les pays en développement, 80 % du bois récolté sert au chauffage Autonomie énergétique - Recherche et développement dans le domaine des combustibles de remplacement Boisement accru, exploitation forestière, utilisation des déchets urbains ou des résidus industriels et intégration des réseaux d'électricité Amélioration de la gestion des forêts et du développement forestier industriel Subventions pour créer des puits de carbone Recherche, développement et utilisation de techniques pour réduire les émissions de carbone et d'autres composés Augmentation du nombre de vieilles forêts et préservation des ressources forestières - Industrie Politiques fiscales Encouragement à moderniser l'équipement et à améliorer les techniques d'exploitation et de traitement Utilisation plus efficace des ressources forestières, notamment du bois de fil des plantations, mais, si elle est incontrôlée, danger de déboisement accru Réglementation en matière d'environnement et de protection Recherche et investissement dans le domaine de la technologie antipollution Changements dans la position concurrentielle des industries du bois et la structure des échanges, et transfert de renseignements technologiques PRIVATE Secteurs de politique Moyens d'action Liens intersectoriels créés par les moyens d'action Répercussions sur le développement forestier durable (sociales, économiques, environnementales et politiques) Observations1 - Commerce Accords commerciaux Partenaires commerciaux, compétitivité des produits, valeur et volume des échanges commerciaux et infrastructure Changements dans le traitement, déplacement des industries, accès à la main-d'oeuvre et au capital Protection de l'environnement grâce au commerce Restriction et contingentement des exportations et des importations, étiquetage écologique pour certifier l'origine des produits Réduction de la demande de produits forestiers et de leur commerce, et protection accrue des régions forestières - Pêche Encouragements et politique de fixation des prix Protection des régions côtières et durabilité des ressources en poisson Destruction de mangroves et de forêts côtières pour l'élevage des crevettes - Infrastructure Modernisation du transport, des télécommunications et des autoroutes Accroissement de l'efficacité économique des activités de développement Amélioration des techniques contre les incendies de forêt, déboisement, sensibilisation accrue du public aux questions d'environnement Construction de nouvelles routes et voies ferrées, amélioration de l'infrastructure pour l'exploitation minière et l'exploration des gisements de combustibles fossiles ainsi que pour les barrages hydroélectriques et d'irrigation Accès à de nouveaux territoires facilitant ainsi l'arrivée de nouveaux colons et la création de nouvelles méthodes d'utilisation des terres Risques de déboisement incontrôlé et de dégradation de la forêt à moins que la conservation d'importantes ressources forestières ne soit assurée par une soigneuse planification - Tourisme Investissement dans les emplois en milieu rural, l'infrastructure et d'autres activités Investissement dans l'agro- tourisme et ralentissement de la migration interne Boisement, protection et conservation des ressources naturelles, accroissement du revenu de la population rurale et de la demande de bois pour l'infrastructure Réglementation et encouragements pour protéger les régions rurales esthétiques et culturelles Protection de l'environnement, du paysage et des attraits ruraux Contrôle accru des activités forestières, augmentation du nombre d'aires protégées, revenu de la population rurale, environnement et éducation

1 Les observations à formuler découleront de l'analyse des liens intersectoriels les plus importants dans les principales catégories de situation.

Le présent document a été rédigé par la Division de la politique et de la planification forestières de la FAO, avec l'aide d'un groupe interministériel multidisciplinaire d'appui à la foresterie, pour la deuxième réunion du Groupe de travail intergouvernemental sur les forêts mondiales parrainée conjointement par la Malaysia et le Canada et qui aura lieu à Ottawa en octobre 1994. À la FAO, une importance croissante a été accordée au cours des dernières années aux fonctions d'analyse des politiques et de prestation de conseils. En juin 1994, le Conseil de la FAO a approuvé les propositions du nouveau directeur général visant à renforcer le rôle consultatif de l'Organisation en matière de politiques. Une nouvelle division, celle de l'élaboration des politiques, a été créée afin que la FAO soit davantage en mesure de fournir aux pays membres des conseils dans le domaine sectoriel et des services en matière d'élaboration des politiques, et elle pourra compter sur la nouvelle Division de l'agriculture et de l'analyse du développement économique. Cette nouvelle structure, qui aura pour complément une certaine décentralisation régionale, permettra à l'Organisation de mieux chercher à comprendre les interactions et les répercussions sur le développement forestier des politiques extérieures au secteur forestier ainsi que de conseiller en conséquence les pays.