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BREVE ANALYSE DES NEGOCIATIONS SUR L'EI

La majeure partie des délégués sont d'accord pour dire que la CRGAA-7 a marqué le démarrage des vraies négociations sur la révision de l'EI. Cependant, certains sont d'accord pour dire que le niveau et le sérieux des négociations n'étaient pas constants dans tous les domaines; ainsi, les délibérations sur les Droits des Agriculteurs sont restées largement au niveau de la rhétorique, alors que les questions de portée et d'accès ont été l'objet d'une discussion intelligente et détaillée.

LA PORTEE ET L'ACCES: Alors que le groupe de travail avait été formé expressément pour négocier des questions de portée et d'accès, force est de constater que la première de ces deux questions, pourtant l'objet de beaucoup d'attention lors de la CRGAA-EX3 en Décembre dernier, fut quasiment absente des discussions. En effet, en abordant l'Article relatif à la portée, les délégués acceptèrent rapidement la formulation proposée par le Bureau, élaborée sur la base des soumissions des groupes régionaux, laquelle stipule que "l'EI porte sur les RPGAA". Certains délégués attribuent cette formulation à l'accord officieux réalisé dans les consultations régionales selon lequel on ne doit ajouter aux RPGAA aucun qualificatif pouvant inclure ou exclure des catégories particulières de RPG, telles que les ressources forestières ou médicinales, ou encore, les collections de matériaux génétiques antérieures ou postérieures à la CDB. Le délégué d'un des pays en développement nota qu'avec une définition aussi large des "ressources phytogénétiques", cet accord dénote la volonté de reporter les discussions sur ce point, à une date ultérieure, quand viendra, par exemple le moment de définir les RPG et les RPGAA dans le cadre de l'Article 2 de l'EI. Cette stratégie permit aux délégués de focaliser leur attention sur les questions liées à l'accès, où le débat s'est concentré sur les systèmes et conditions d'accès et sur le partage des profits dans le cadre du régime d'accès retenu.

Le signe de l'évidence des progrès dans les discussions sur l'accès, l'accord qui intéressa une vaste majorité de délégations, celles appartenant notamment à l'UE et au G-77 - sur l'établissement d'un système multilatéral d'accès et d'échange, efficient, efficace et transparent, pour faciliter l'accès aux RPGAA. Les modalités d'un tel système multilatéral demeurent floues et des questions sur la manière de son fonctionnement ont été soulevées tout au long de la semaine. Néanmoins, un certain nombre de délégations notèrent que même un accord de principe sur la nécessité d'un système multilatéral constituait un premier pas crucial. C'est le cas, nota l'un des délégués, car pour qu'un système multilatéral soit "efficient, efficace et transparent", il lui faut inclure, pour le partage des profits, des dispositions acceptables pour toutes les Parties. Ceci a fourni un réel point de rencontre, à partir duquel il sera possible de discuter du fonctionnement et des modalités d'un tel système. Une autre avancée, un peu plus conceptuelle celle-là, fut l'entente commune à un certain nombre de pays, que l'éventuel système multilatéral d'accès et d'échange doit être beaucoup plus qu'un simple dispositif d'échange de germplasm et qu'il doit, entre autres, pouvoir engendrer des profits, monétaires ou non monétaires, à travers ses propres existence et fonctionnement.

En dépit de ces progrès, les délibérations durant cette réunion ne pouvait pas échapper au dilemme de l'œuf et de la poule, tant les discussions et les décisions étaient imbriquées les unes dans les autres. Les délégués ont noté, par exemple, que sans la discussion des conditions de l'accès aux RPGAA, il serait inopportun, voire impossible, de désigner les matériaux, objet de cet accès. Parallèlement, sans connaître le matériau pour lequel l'accès est demandé, les conditions de cet accès seraient difficiles à spécifier. Un certain nombre de délégués ont noté que si l'on avait à choisir, une focalisation sur les conditions d'accès et parallèlement sur le partage des profits, serait le point de départ logique, car ce sont les décisions dans ce domaine qui permettront aux pays de décider si oui ou non leurs meilleurs germplasms doivent être mis à disposition à travers le système multilatéral.

Les discussions sur le partage des profits ont elles aussi ,reflété la complexité des questions en rapport. Bien que non débattues dans le détail, les brèves références à la distinction entre pays d'origine et pays fournisseurs, en matière de partage et d'échange des RPGAA, laissent entendre que cette question sera un point de controverse dans les délibérations futures.

Un autre point de confusion intéressa la question de savoir si le partage des profits était applicable à toutes les transactions d'échange de germplasms. Des délégués notèrent que si c'était le cas, ce serait un cauchemar logistique, sans parler de son inefficacité et de son coût élevé. Bien qu'un certain nombre de pays, à la fois du Nord et du Sud, aient souligné qu'un lien entre le partage des profits et les transactions individuelles n'était pas tout à fait tel qu'ils souhaitaient, il n'est pas encore clair si sur ce point, tout le monde est sur la même longueur d'onde. L'un des délégués clarifia que c'est seulement dans le cas de la commercialisation d'un produit développé à partir des RPGAA mises à disposition à travers le système multilatéral, que les dispositions du partage des profits seraient applicables, et pas pour les échanges routiniers en matière de recherche et de sélection. D'une manière générale, cependant, le partage des profits sera lié à l'accès aux RPGAA, au transfert technologique, aux échanges d'informations, aux activités de recherche et de formation dans le domaine de la conservation durable des RPGAA.

Il est à noter que bien qu'ayant fourni une bonne plate-forme pour les futures délibérations, les discussions sur la portée et l'accès ont abouti à un texte de consensus qui, en fin de compte, n'a pas pu être adopté, en grande partie en raison d'une circonspection de la part de quelques délégations quant à l'établissement d'un lien explicite entre les dispositions de l'EI touchant à l'accès et au partage des profits. Par ailleurs, certaines délégations ont fait part de leur réticence à s'engager dans une reconnaissance des "droits souverains des Etats sur leurs RPGAA", qui pourrait constituer un principe juridique potentiel futur. Il s'agissait là de points de vue minoritaires, et ce fait a été mis en lumière lors de la Plénière de clôture, lorsque les délégués applaudirent pour signaler leur approbation pour l'introduction de la clause sur le partage des profits dans le rapport final de la réunion.

DROITS DES AGRICULTEURS: La Commission engagea aussi des négociations sur les Droits des Agriculteurs (DA), en cherchant d'abord à mieux comprendre les limites de ces objectifs, aidée en cela par un texte consolidé qui leur permit de cerner les paramètres du débat. C'était là, la première fois que les discussions sur les DA allaient au-delà des positions fermes des blocs de l'OCDE et du G-77.

Il y a eu en particulier une convergence de points de vue entre un certain nombre de pays de l'UE et la plupart des pays du G-77 qui reconnurent ensemble les DA comme étant un peu plus qu'un simple concept. En conséquence de quoi, plusieurs pays non Européens de l'OCDE se sont retrouvés isolés sur ce point. Bien qu'il ne se soit pas encore constitué en tant que tel, plusieurs délégué anticipent l'établissement du groupe JUSCANZ (Japon, USA, Canada, Australie et Nouvelle Zélande - à l'exception de la Norvège) dans les négociations de l'EI. Les débats en sont encore à un niveau rhétorique et la définition des DA est loin d'être précise, mais certains délégués pensent qu'il ne sera pas impossible de parvenir à une entente commune sur le sens des DA, sans spécifier des éléments tels que: qui doit reconnaître ces droits, ou et dans quelles circonstances, et la question de savoir si leur réalisation nécessite la mise en place d'un fonds international.

Néanmoins, le modus operandi du groupe de Travail sur les Droits des Agriculteurs n'a pas été particulièrement productif. A ce jour, tous les progrès réalisés à travers les consultations officieuses ont été rapidement remis en question dans les négociations officielles du Groupe de Travail. L'un des facteurs qui a limité l'efficacité du Groupe de Travail est, semble-t-il, son incapacité à s'accorder sur la signification des entités de base, telles que les agriculteurs, les communautés agricoles traditionnelles indigènes et locales. Un autre domaine d'ambiguïté important, a porté sur le point de savoir si les droits, qui restent à définir, doivent avoir une portée nationale ou internationale. En effet, plusieurs délégués ont affirmé qu'il sera bien plus difficile de réaliser le consensus sur un droit de portée international, parce que les réponses aux questions telles que: "qu'est-ce qu'un agriculteur?" varient d'un pays à l'autre. Ces interrogations sont révélatrices du challenge inhérent à la formulation d'une entente commune lorsque les cadres de référence sont divergents.

Eu égard aux difficultés ci-dessus mentionnées, quelques délégués ont mis en garde, en privé, contre toute tentative de forcer un consensus sur les Droits des Agriculteurs à ce stade des négociations. Ceci dit, de nombreux délégués attendent beaucoup du rapprochement constaté entre le Groupe Africain et l'UE.

CONCLUSION: En commençant les négociations par les aspects les plus complexes et les plus sujets à controverse, la Commission a sans doute sous-estimé les difficultés inhérentes à la révision de l'EI. Plusieurs délégués ont exprimé leur préoccupation, en affirmant que se focaliser exclusivement sur les aspects les plus ardus de la révision de l'EI, constitue une stratégie à haut risque qui peut avoir des répercussions perverses sur les étapes ultérieures des négociations.

Concernant les négociations proprement dites, plusieurs délégués ont commenté que davantage d'attention doit être accordé à la structure des négociations. Par exemple, la Commission pourrait établir un ou plusieurs groupes de travail parallèles pour le traitement de différents aspects de l'EI, tels que les liens avec d'autres instruments juridiques, la coopération internationale, le rôle des organisations intergouvernementale, le rôle des organismes internationaux, et les échanges d'information. Parvenir à un accord sur ces dispositions moins polémiques, servirait aux délégations, d'exercice de prise de confiance.

La décision de consacrer les deux premières journées de la réunion à des consultations régionales est assez significatif de la volonté de mieux structurer le processus de négociation. Tout le monde semble reconnaître que les négociations sur la portée et l'accès et sur les Droits des Agriculteurs ont permis une meilleure compréhension des positions régionales et inter régionales sur ces questions délicates. Certains délégués ont perçu ce fait comme un progrès important par rapport à la situation qui avait prévalu voilà 6 mois à la CRGAA-EX3.

Les produits officiels des négociations de cette réunion - des libellés hautement crochetés sur l'accès et les Droits des Agriculteurs - ne rendent pas compte du progrès réalisé durant la CRGAA-7. La réunion a pourtant permis une clarification des problèmes, la formulation des intérêts et la consolidation des positions - des ingrédients clefs pour une conclusion efficace des négociations sur les révision de l'EI. La qualification des négociations sur l'EI par la Commission comme étant sa plus haute priorité durant les deux prochaines années, est de nature à permettre de nouvelles opportunités pour le renforcement des acquis de cette réunion.

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