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Daily report for 9 February 2010

Tout au long de la journée, les délégués ont poursuivi les négociations sur un protocole additionnel sur la responsabilité et la réparation dans le contexte du Protocole de Cartagena sur la biosécurité, avec un accent particulier sur les mesures d'intervention nationales, les dérogations, les limites, et la sécurité financière. Dans la soirée, la réunion a examiné une clause juridiquement contraignante en matière de responsabilité civile dans le domaine des dommages résultant de mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés (OVM).

NOUVELLES NÉGOCIATIONS DES REGLES ET PROCÉDURES INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ ET DE RÉPARATION

Les délégués ont poursuivi la négociation d’un protocole additionnel sur la responsabilité et la réparation en se basant sur un texte de négociation révisé.

RÉGIME D'INDEMNISATION PRIMAIRE: Mesures d’intervention nationales: Les délégués ont examiné le texte stipulant que les décisions de l'autorité compétente doivent être motivées et communiquées à l'exploitant, en même temps que des informations sur les recours disponibles, notamment la possibilité d'un examen indépendant. La Chine a demandé de placer entre crochets le terme «contrôle indépendant». Le Brésil a demandé d'ajouter une référence spécifique aux tribunaux en tant qu'organes de contrôle indépendant, mais la proposition n'a pas été retenue. L'Inde s'est opposée à l’utilisation du terme «imposer» des mesures d'intervention. La Nouvelle Zélande a suggéré «la mise en œuvre » des mesures d'intervention, mais l'UE s'y est opposée, arguant que cela limiterait le rôle de l'autorité compétente.

Les délégués ont appuyé la proposition du Japon que les décisions doivent être motivées et notifiées à l'exploitant. L'Inde, contrée par le Brésil, a souligné la nécessité d'informer les exploitants étrangers sur les recours disponibles. À la demande de la Namibie et de la Chine, le Coprésident Lefeber a précisé que les recours pourraient inclure des recours de droit civil, administratif et pénal

Le Brésil a demandé la suppression d'un libellé stipulant que les recours ne doivent pas entraver le droit de l’autorité compétente de prendre des mesures d’intervention qui pourraient être nécessaires. L’Éthiopie a préféré son maintien. La Malaisie a souligné son importance pour ce qui est de faire face aux urgences et aux situations des dégâts importants sur la biodiversité. La Nouvelle Zélande a déclaré que l'état pourrait avoir à intervenir dans des situations d’urgence majeure. La Suisse a proposé d'inclure dans le texte en guise de compromis, une référence aux situations d'urgence. A l’issue de consultations informelles, les délégués ont convenu de déclarer que «l'autorité compétente prendra des mesures d'intervention dans des circonstances appropriées, sauf disposition contraire de la législation nationale".

Les délégués ont également examiné un paragraphe stipulant que les décisions prises par l'autorité compétente doivent être conformes au droit international. Le Brésil a demandé de maintenir cette disposition, mais la Norvège a recommandé sa suppression, expliquant que cet aspect est déjà couvert par d'autres articles sur la CDB. Rappelant les longs débats sur cette question lors de la négociation du Protocole sur biosécurité, la Malaisie a proposé de mentionner les dispositions du Protocole sur la biosécurité plutôt dans le préambule. La Nouvelle Zélande a posé la question sur l’opportunité de s’assurer que les mesures prises par l'autorité compétente ne conduisent pas à des barrières commerciales. La Malaisie a rétorqué que le protocole additionnel traite des dommages et non pas des questions commerciales. Attirant l'attention sur la question de la menace imminente de dommage, le Brésil a demandé que soit maintenu un paragraphe du dispositif relatif à la conformité avec le droit international.

Il a été décidé de maintenir entre crochets, une proposition de l'UE stipulant que la législation nationale peut être utilisée pour déterminer les éléments de la biodiversité qui nécessitent des mesures d’intervention. L'Inde a exprimé des réserves quant à l’inclusion ce texte dans l'article sur les mesures d’intervention, et la Norvège a souhaité que ces questions soient abordées dans le contexte de la définition des dommages.

Dérogations et limites: Les délégués ont examiné les dérogations et les mesures d’atténuation pour ce qui est de la responsabilité de l'exploitant, et ont convenu que les directives à cet égard ne devront être ni exhaustives ni contraignantes, ainsi que l’avait recommandé le Paraguay. La Malaisie, appuyée par l'Inde, le Groupe africain, la Norvège, le Mexique et l'Équateur, a proposé de supprimer l'article tout entier, mais la Nouvelle Zélande, le Japon, le Paraguay et le Brésil s’y sont opposés, arguant que cela pourrait donner un signal qu’aucune dérogation ou mesure d'atténuation en tant que tel n’a été autorisée.

Les délégués ont débattu longuement de l’opportunité d'inclure une liste indicative des dérogations spécifiques. Le Mexique, le Brésil et la Nouvelle-Zélande étaient favorables à une dérogation dans le cas de l'intervention de tiers, ce que la Malaisie a voulu spécifier, afin d'éviter des coûts disproportionnés actuellement supportés par les pays en développement. L'UE et la Suisse ont plaidé pour une dérogation dans les cas où un ordre spécifique a été imposé par une autorité publique. Le Libéria et l'Éthiopie s’y sont opposés, préoccupés par le fait que l'activité des autres agences gouvernementales pourrait être utilisée comme une excuse à la violation des obligations internationales. L'UE et la Nouvelle Zélande, contrées par la Malaisie, l'Inde et la Suisse, ont appuyé une dérogation pour des activités expressément autorisées par la législation nationale. La Malaisie demande instamment que les parties puissent exercer leur pouvoir discrétionnaire, ce qui a été accepté dans l’ensemble. La Nouvelle Zélande, appuyée par le Paraguay et l'UE, a proposé d'inclure "mesures d'atténuation" en plus de «dérogations».

A l’issue d’un long débat, les délégués ont convenu de maintenir les références à acte de Dieu ou force majeure, et acte de guerre ou troubles civils, et ont recommandé la suppression d'une référence aux exceptions relatives à la sécurité nationale. Ils ont également convenu de remplacer la liste controversée des dérogations spécifiques par un paragraphe concis permettant d'autres dérogations et des mesures d’atténuation en vertu de la législation nationale, ce qui a été adopté.

Les délégués ont ensuite adopté un article stipulant que le protocole additionnel ne doit limiter ou restreindre les droits de recours ou d'indemnité que l'exploitant pourrait avoir.

Les délégués ont engagé une grande discussion sur la pertinence des délais pour le recouvrement des frais et dépens. Certains ont déclaré que les délais ne sont pas réalistes pour résoudre les questions de biodiversité, affirmant que les dommages sont souvent complexes et ne peuvent pas toujours être traités avec la science actuelle. D'autres se sont dit préoccupés par le fait que sans délais, les contentieux pourraient durer indéfiniment, ce qui serait injuste, tant pour l'exploitant que pour la partie lésée. Les délégués ont finalement adopté un texte court et souple qui comprend des délais pour les mesures d'intervention et le début de la période.

Sécurité financière: Les délégués ont longuement débattu d'une disposition stipulant que les parties peuvent obliger les exploitants à établir et à maintenir la sécurité financière, mais le GRULAC a demandé sa suppression. Le Brésil a déclaré, entre autres, que cette disposition: serait difficile à appliquer; envoie un message négatif à l'industrie de la biotechnologie; et entrave l'accès des petites et moyennes entreprises nationales dans le secteur. Faisant observer que cette disposition n’exige pas la sécurité financière, mais laisse aux pays le soin de décider de sa nécessité, le Groupe africain a encouragé les délégués à la maintenir, soutenant qu’elle est dans l'intérêt national de certains pays. Le délégué des Philippines a déclaré que l'investissement dans les programmes de la biotechnologie constitue une priorité nationale et a demandé plus de temps pour examiner la question. La Malaisie a souligné que cette disposition ne constituerait pas une entrave pour la biotechnologie, et que l'industrie recherche activement la sécurité financière. L'Égypte a souligné que les États ont le droit de demander une garantie quant à savoir qui paiera pour la restauration d’un environnement dévasté en cas de dommages.

RESPONSABILITÉ CIVILE: Les délégués ont examiné deux options relatives à la responsabilité civile: la première option dispose que les parties peuvent développer ou ne pas développer un système de responsabilité civile, ou peuvent appliquer leur système existant en fonction de leurs besoins, pour traiter les questions relatives aux OVM; et la deuxième option oblige les pays à prévoir dans leur législation nationale, des règles et procédures en matière de responsabilité et de réparation, et stipule que pour la mise en œuvre, les États peuvent appliquer les lois existantes ou élaborer de nouvelles lois, développer un régime de responsabilité spécifique, ou une combinaison des deux. L'UE, le Japon et le Paraguay ont appuyé la première option, tandis que le Groupe africain, l'Inde, le Brésil, la Colombie, Cuba, l'Équateur, le Mexique et la Norvège étaient favorables à la deuxième option. La Malaisie a ajouté que la première option a été introduite comme une clarification et non pas comme une option distincte. L'UE et le Japon ont insisté sur le fait qu'il s’agit de deux options séparées. Le Co-président Lefeber a proposé de travailler sur la base de la seconde option, et de laisser l’ensemble entre crochets, à l’exception du premier paragraphe. À l’issue des consultations internes, l'UE a accepté la proposition de Lefeber d’inclure une note de bas de page précisant que les délégués ont convenu de travailler provisoirement sur la base de la seconde option.

Les délégués ont ensuite entamé l’examen du premier alinéa stipulant que les parties doivent prévoir dans leur législation nationale, des règles et procédures en matière de responsabilité et de réparation. Le Paraguay a demandé d'insérer une option stipulant que les parties "peuvent prévoir ou ne pas prévoir," au lieu de "doivent" prévoir de telles règles "en fonction de la nécessité de «traiter» les dommages. L'UE a suggéré une autre formule à l'effet que si une partie relève la nécessité de mesures supplémentaires à l'approche administrative, elle peut répondre à ce besoin par l'application d'approches de responsabilité civile. La Malaisie et l’Éthiopie s’y sont opposées, faisant valoir que le texte constituait un recul par rapport à l'accord antérieur.

Lefeber a produit un texte de compromis stipulant: que les parties doivent prévoir dans leur législation nationale, des règles et procédures en matière de responsabilité et de réparation, et que pour exécuter cette obligation, les parties doivent mettre en œuvre le protocole additionnel et peuvent appliquer ou ne pas appliquer, les approches de responsabilité civile.

 La majorité des délégués ont convenu de travailler sur la base du texte de compromis. Le Japon a déclaré qu'il ne pouvait pas l'accepter en raison des références à "la responsabilité et la réparation," étant donné qu’au Japon, les dommages à l'environnement ne peuvent pas être couverts dans le cadre d’une approche de responsabilité civile. Le Co-président Lefeber a proposé, et les délégués ont accepté, de mettre entre crochets la référence à la responsabilité et réparation.

Les délégués ont ensuite inclus une disposition distincte précisant qu’aucune disposition du protocole additionnel ne dérogera aux droits des parties de prévoir dans leur législation nationale, des règles et des procédures en matière de traitement des dommages autres que ceux définis dans le protocole additionnel. Le délégué de la Malaisie a souligné la nécessité d’œuvrer également pour un régime de responsabilité civile juridiquement contraignant couvrant tous les types de dommages, commençant par une disposition juridiquement contraignante sur la responsabilité civile. Il a proposé une dérogation pour les cas où le système juridique d'une partie ne permet pas ce type de responsabilité civile et de réparation. Les négociations se sont poursuivies dans la nuit.

DANS LES CORRIDORS

 Perché sur une colline et de forme ovale, l’International Convention Centre de Putrajaya rappelait à certains délégués un vaisseau spatial prêt à décoller pour un voyage épique. Toutefois, au lieu de s’en voler audacieusement vers là où personne n’est jamais allé avant, les amis des co-présidents ont passé la journée (et une bonne partie de la nuit) blottis dans une petite salle de conférence, aux fins fonds du centre, où la plupart de leurs esprits aventureux se sont dissipés au cours de la journée. Cela était dû, comme l’a commenté un délégué, au fait que seules les noix dures restent à craquer, comme par exemple, la définition de l’exploitant, les mesures d’intervention nationales, les limites de la responsabilité, la sécurité financière et la plus grosse de toutes les noix - la responsabilité civile.

Des doutes ont été émis sur ce dernier point, au fur et à mesure que grandissait l’incertitude sur l’avenir de la disposition relative à la responsabilité civile. L’option éliminée précédemment, puis réintroduite pour des raisons stratégiques, qui stipule que les parties «peuvent développer ou ne pas développer» une approche de responsabilité civile, est venue hanter les négociations. Alors que certains sont d’avis qu’il s’agissait d’une monnaie d’échange, d’autres l’ont considérée comme une bombe à retardement qui pourrait perturber l’ensemble de la négociation. Certains délégués ont commenté qu’il ne reste dans le texte de compromis aucune disposition stipulant que les parties «doivent» mettre en œuvre le protocole additionnel et «peuvent utiliser ou ne pas utiliser» un système de responsabilité civile à cet égard. Cette intégration sans précédent de termes contraignants et non contraignants dans une même phrase a amené un délégué à commenter que: «Les négociations doivent se poursuivre, mais elles peuvent conduire ou ne pas conduire, à un résultat»

Ce numéro du Bulletin des Négociations de la Terre © <enb@iisd.org> a été rédigé par Johannes Gnann, Stefan Jungcurt, Ph.D., Laura Russo, Nicole Schabus, et Liz Willetts. Edition numérique: Leila Mead. Version française: Hélène Kom. Editrice en chef: Pamela S. Chasek, Ph.D. <pam@iisd.org>. Directeur du Service des informations de l’IIDD: Langston James “Kimo” Goree VI <kimo@iisd.org>. Les bailleurs de fonds du Bulletin sont: Le Royaume-Uni (à travers le département du développement international (DFID), le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique (à travers le Bureau des océans et des affaires environnementales et scientifiques internationales du département d’Etat américain), le gouvernement du Canada (à travers l’ACDI), le ministère danois des affaires étrangères, le ministère allemand de la coopération économique et développement (BMZ), le ministère fédéral allemand de l’environnement, de la préservation de la nature et de la sécurité nucléaire (BMU), le ministère néerlandais des affaires étrangères, la commission européenne (DG-ENV), et le ministère italien de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’espace maritime. Un soutien général est accordé au Bulletin, au titre de l’exercice 2010, par: le gouvernement australien, le ministère fédéral autrichien de l’agriculture, des forêts, de l’environnement et de la gestion de l’eau, le ministère suédois de l’environnement, le ministère néo-zélandais des affaires étrangères et du commerce extérieur, SWAN International, l’Office fédéral suisse de l’environnement (FOEN), le ministère finlandais des affaires étrangères, le ministère nippon de l’environnement (à travers l’IGES), le ministère nippon de l’économie, du commerce et de l’industrie (à travers GISPRI), le gouvernement d’Islande, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), et la Banque mondiale. Le financement pour la traduction du Bulletin en français a été fourni par les gouvernements de la France, de la Région wallonne de Belgique, de la Province du Québec et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF et IEPF). Les opinions exprimées dans le Bulletin appartiennent à leurs auteurs et ne reflètent pas forcément les vues de l’IIDD et des bailleurs de fonds. Des extraits du Bulletin peuvent être utilisés dans des publications non commerciales moyennant une citation appropriée. Pour tout renseignement, y compris les demandes de couverture d’événements par nos services, contacter le Directeur du Service des informations de l’IIDD, <kimo@iisd.org>, au +1-646-536-7556 ou par courrier au 300 East 56th St., 11A, New York, New York 10022, USA. L’Équipe du BNT à la Deuxième réunion du Groupe des amis des co-présidents sur la responsabilité et la réparation au titre du Protocole de Cartagena sur la biosécurité peut être contactée par e-mail à l’adresse suivante <stefan@iisd.org>.

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