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BREVE ANALYSE DE LA CdP-2

La Seconde Conférence des Parties (CdP-2) de la Convention-Cadre sur les Changements Climatiques (CCCC) a renvoyé d'importants signaux politiques, à un moment où la CdP continue son chemin vers la réalisation de l'objectif consistant à renforcer les engagements des pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), au-delà de l'an 2000. La CdP-2, à mi-parcours du calendrier du Mandat de Berlin, "nota" une forte déclaration ministérielle confirmant les résultats du Second Rapport d'Evaluation (SRE) du PICC et appelant à des engagements juridiquement contraignants. La CdP-2 réunit également une Table Ronde Ministérielle qui endossa les points figurant dans la Déclaration. Dans un changement de position radical, les USA annoncèrent leur soutien à un protocole juridiquement contraignant ou autre instrument légal. Néanmoins, plusieurs points de désaccord concernant des questions fondamentales se sont apparemment solidifiés à la fois dans les organes subsidiaires et à la CdP. Par exemple, les délégués ne parvinrent à s'accorder ni sur le SRE, ni sur l'élection des membres du Bureau, amenant la CdP à continuer à "appliquer" les règles de procédure, plutôt qu'à les "adopter". Le soutien des USA à un protocole est lié à la préférence donnée au système de permis négociables en matière d'émission, ce qui introduit de nouvelles complexités pour les délégations. Ces signes - ceux positifs et ceux négatifs - indiquent que beaucoup d'obstacles attendent les négociations futures.

GROUPE SPECIAL SUR LE MANDAT DE BERLIN (AGBM): L'AGBM-4 a complété ses analyses approfondies des éléments éventuels du protocole ou autre instrument juridique et semble prêt à aller de l'avant dans la préparation du texte de négociation pour sa prochaine session de Décembre. La majeure partie des discussions a porté sur les approches concernant les politiques et mesures, la Quantification des Limitations d'Emissions et des Objectifs de Réduction (QLEOR) et la détermination de l'impact possible des nouveaux engagements des Parties visées à l'Annexe I sur les pays en développement.

Bien que de nombreux observateurs interprètent la Déclaration de Genève comme un signe indiquant qu'un consensus suffisant a été réalisé pour l'accélération du processus de l'AGBM, le statut de protocole de ce nouvel accord est loin d'être finalisé. S'il est vrai qu'un cadre de négociation commence à être défini, il en va de même pour les obstacles politiques. Il faudra encore: réaliser un équilibre dans un ensemble ou "menu" de politiques et de mesures; répondre aux préoccupations des pays en développement et des pays exportateurs de pétrole, en les assurant que des mesures de protection seront prises pour compenser les pertes économiques susceptibles d'être induites par les engagements des Parties visées à l'Annexe I; établir un équilibre entre l'accord juridiquement contraignant et la spécificité des objectifs; conférer force et crédibilité au processus consultatif multilatéral préconisé dans l'Article 13; et, intégrer les principes d'équité et de partage du fardeau dans tout nouvel accord.

ORGANE SUBSIDIAIRE SUR L'APPLICATION (SBI): Le SBI et la CdP furent incapables de s'accorder sur l'Annexe du Mémorandum d'Entente entre la CdP et le Conseil du FEM. L'objectif de cette Annexe, déjà approuvée par le Conseil du FEM, consiste à fournir au FEM une orientation quant la détermination des besoins financiers nécessaires à la mise en oeuvre de la CCCC, pour le prochain round de négociation de son réapprovisionnement.

A première vue, le désaccord concernant le ME semble n'être qu'une question de rivalité institutionnelle, parmi d'autres, entre deux organes internationaux, mais dans le cas d'espèce, la fracture semble être beaucoup plus profonde. Les délégués des pays en développement ont exprimé leur mécontentement vis à vis de ce qu'il leur sembla être une tentative par les pays industrialisés de déplacer le fardeau de la mise en oeuvre des Parties visées à l'Annexe I vers les autres Parties, en manipulant quelque peu l'équilibre des projets permettant de définir les besoins en matière de financement dans l'Annexe du ME. Ces mêmes délégués se sont opposés fortement à une proposition de texte se référant explicitement à un financement des projets d'atténuation par les parties non visées à l'Annexe I. Les délégués suspectent en réalité qu'une priorité accordée au financement de la réduction des GES par les Parties non visées à l'Annexe I, ne vienne affaiblir la pression exercée sur les Parties visées à l'Annexe I pour l'entreprise d'actions concrètes ( et probablement douloureuses) pour la réduction de leurs émissions de GES au-dessous de leurs niveaux de 1990. Néanmoins, il était clair qu'une bonne partie des participants favorisait l'introduction d'un libellé engageant la responsabilité de toutes les Parties dans la réduction des émissions de GES. Cela fut reflété dans la décision soumise par le SBI (FCCC/CP/1996/L.12) sur les communications des Parties non visées à l'Annexe I, qui requiert un inventaire national des émissions anthropogéniques de tous les GES par source et de leur suppression par puits d'absorption, ainsi qu'un descriptif général des étapes franchies dans l'application de la CCCC. Cette décision obtint les louanges du Directeur Exécutif, Michael Zammit CUTAJAR, au cours de la Plénière de Clôture.

ORGANE SUBSIDIAIRE DU CONSEIL SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE: Comme devait le noter un observateur, le SBSTA-2 s'avéra dans sa majeure partie être une sorte de répétition générale pour le SBSTA-3, avec des délégués présentant les mêmes arguments de manière un peu plus grave. L'accord sur le traitement du SRE, sans doute la question qui posa le plus de difficulté à la CdP-2, échappa une fois de plus au SBSTA. Bon nombre de délégations devaient endosser le SRE comme étant l'étude la plus exhaustive qui soit disponible sur l'évolution climatique. D'autres, dont plusieurs Etats producteurs de pétrole et l'Australie, ont estimé qu'il était prématuré de faire des recommandations. Un groupe des "Amis du Président" dut être finalement formé pour essayer de réaliser un consensus, mais le groupe ne fut pas en mesure de résoudre quoi que ce soit. Cette question démontre que les frontières entre la science et la politique deviennent de plus en plus difficiles à maintenir.

GROUPE SPECIAL SUR L'ARTICLE 13: L'AG-13 proposa de fournir une contribution au processus de l'AGBM concernant la formulation d'un processus consultatif multilatéral (PCM). Tirant profit de son examen des procédures de conformité adoptées dans d'autres accords environnementaux internationaux, il contribuera probablement au développement d'un mécanisme hybride qui combinera sans doute les besoins d'assistance avec les exigences des rapports assortis d'un suivi plus rapproché quant à la conformité. L'AG-13 a préparé le terrain à l'un des traits qui séparera le processus du Mandat de Berlin du caractère non contraignant de la CCCC.

DECLARATION MINISTERIELLE: Le débat s'anima lorsque les Parties commencèrent l'échange de leurs points de vue sur l'adoption de la Déclaration Ministérielle ou "Déclaration de Genève" comme elle fut baptisée au cours de la Plénière de Clôture. La Déclaration endosse les conclusions du PICC, et notamment celles qui stipulent que l'augmentation des concentrations de GES aura une incidence sur le système climatique. Elle appelle à des objectifs juridiquement contraignants et à des réductions significatives des niveaux d'émissions. Les ONG environnementales n'ont pas tardé à noter que la Déclaration ne précise pas que les réductions doivent aller au-dessous des niveaux de 1990, tel que stipulé dans la CCCC, qu'elle n'appelle pas à la coordination des mesures contraignantes et qu'elle ne spécifie pas le niveau de concentration maximum des GES. Seize délégations, dont plusieurs pays producteurs de pétrole, ont présenté leurs objections à la Déclaration et la manière dont elle a été établie, ainsi qu'à la transparence du processus qui l'a produite.

CHANGEMENT DE LA POSITION DES USA: Le changement de la position des USA, désormais favorables à un accord juridiquement contraignant, a donné lieu à une grande satisfaction dans les rangs des ONG environnementales. Certaines d'entre elles anticipent que ce changement forcera plusieurs délégations, dont certaines avaient dissimulé leur propre opposition derrière celle des USA, à soutenir un accord juridiquement contraignant. Mais le lien établi entre un protocole et les permis négociables amena certains délégués à soulever des questions d'ordre à la fois théorique et pratique. Les membres de l'APEI notèrent ouvertement que cela risquait de couler le protocole de l'APEI qui appelle à des réductions d'émissions à hauteur de 20% ". Certains pays en développement devaient critiquer la trop grande dépendance vis à vis des schémas basés sur la loi du marché, arguant que la loi de l'offre et de la demande favorise les riches et cristallise souvent les inégalités au lieu de les aplanir. De nombreux délégués devaient noter que les schémas de permis négociables soulevaient une myriade de questions pratiques et certains n'ont pas caché leur préoccupation concernant l'application "créative".

REGLEMENT INTERIEUR: Une ONG suggéra que la question non résolue du règlement intérieur continue à "pendre comme l'épée de Damoclès sur ces négociations". Sans accord sur les procédures de vote (Règle 42), les observateurs craignent que la CdP- 3 ne soit forcée à accepter un amendement de la CCCC plutôt qu'un protocole, les délégués s'étant déjà accordés sur les dispositions d'adoption d'un avenant, à la majorité des trois quarts, pour le cas où un consensus n'était pas réalisé. Le Président de l'AGBM confirma que la préférence des Parties était pour un projet de protocole, mais il ajouta bien que "la continuation de la divergence des points de vue quant à la majorité requise pour son adoption" signifie que l'avenant reste une option envisageable. La délégation Canadienne pense que l'absence de règlement intérieur signifie qu'un protocole - la voie préférée pour la réalisation du Mandat de Berlin - ne peut être adopté que par consensus. Il n'y a aucune procédure d'approuvée pour l'adoption d'un protocole dans le cadre de la CCCC, même si les Parties ont la latitude de recourir aux pratiques courantes du Système des Nations Unies, spécifiant que les décisions peuvent être prises à une majorité des deux tiers à défaut de consensus. Le Président de la CdP poursuit ses consultations intersessionnelles sur cette question. La CdP n'a pas été non plus capable de résoudre un autre point de procédure, à savoir, l'élection des membres du Bureau autres que le Président. Lors de la CdP-1, les délégués ne furent pas en mesure de s'accorder sur la composition du Bureau, les Etats producteurs de pétrole soutenant une représentation des groupes. Les petits Etats insulaires ont obtenu un siège au sein du Bureau, compte tenu du fort intérêt qu'ils ont toujours manifesté pour la CCCC, mais les pays producteurs de pétrole réclament un traitement similaire. Des consultations devaient être conduites par le Président de la CdP-1, tout au long de l'année écoulée, mais en vain. A la CdP-2, les Parties sont encore dans l'incapacité de conclure un accord, malgré des consultations continues conduites par le Président de l'AGBM, Raùl A. ESTRADA-OYUELA (Argentine). Cette question qui est politiquement liée à celle du vote continuera à empoisonner les négociations jusque 1997. Il est peu probable qu'elle soit résolue avant l'émergence du contour du protocole. Mais comme ne cesse de le répéter un représentant de pays producteur de pétrole, "combien de temps encore pourrait tenir la CdP sans règlement intérieur ?"

SOUTIEN DE L'INDUSTRIE: Au cours de la première semaine de la CdP-2, un groupe international de compagnies d'assurance émit un papier de position appelant à "des réductions substantielles sans délai" des émissions de GES. Deborah VORHIS, Coordonatrice de l'Unité Commerce et Environnement du PNUE, déclara que l'industrie des assurances reconnaît l'impact de l'évolution climatique sur ses affaires, compte tenu de l'augmentation des dommages causés par les tempêtes et autres phénomènes. Gérer le risque est le travail de l'industrie des assurances et l'évolution climatique a forcé certains éléments de cette industrie à reconnaître qu'il y va de leur intérêt de faire pression pour la conclusion d'une Convention forte. Dans un monde marqué désormais par la libéralisation commerciale et l'amenuisement de l'intervention gouvernementale sur les marchés, l'implication active de l'industrie des assurances vient introduire une nouvelle dynamique dans la contribution apportée par l'industrie traditionnelle à la CdP.

CONCLUSIONS: Il est difficile de porter des jugements définitifs sur le futur du processus de la CCCC, étant donné les signaux mitigés émanant de la CdP-2. Le challenge à relever par les organes subsidiaires consiste à produire un texte de négociation conciliant les intérêts divergents sans entamer la crédibilité et l'efficacité. Dans les négociations environnementales, la mesure d'un compromis probant est d'abord celle de son efficacité à aboutir de manière durable au résultat souhaité. Un compromis ne constitue pas une option en soi, ni nécessairement une solution. L'AGBM mettra à l'épreuve dans les limites qu'il pourra, la capacité du Système des Nations Unies à servir dans la médiation d'un accord entre des Etats prêts à investir dans une ère post-pétrolière et des Etats tenant à leurs investissements dans les affaires habituelles. Dans ce sens, la CdP-3 revêt une grande signification.

L'accomplissement du Mandat de Berlin - dans le contexte de l'échec de la plupart des Parties visées à l'Annexe I dans la réalisation des engagements volontaires qu'ils ont pris dans le cadre de la CCCC, sera une bonne indication permettant de savoir jusqu'à quel point la communauté internationale a réussi à susciter la volonté politique nécessaire à la poursuite de ses engagements pour le développement durable, depuis la CNUED. Le débat sur l'AGBM continuera à s'étendre tout au long du processus de la CdP, les Parties n'étant pas prêtes à ouvrir la voie à des questions vitales, le différend bien agencé concernant le règlement intérieur en est un exemple, en attendant que le destin du Mandat de Berlin, et avec lui sans doute l'avenir du système climatique mondial, commence à prendre forme.

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