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BREVE ANALYSE DE L'AGBM-6

Bonn a accueilli les réunions des quatre organes subsidiaires de la CCCC tenues en Février/Mars et qui sont les premières sessions organisées dans la nouvelle ville d'accueil du Secrétariat. Le SBSTA, le SBI et l'AG13 devaient se réunir durant la première semaine pour poursuivre leur travail sur les questions budgétaires, la mise en oeuvre conjointe, le transfert technologique et le processus consultatif multilatéral. L'AGBM-6 se fixa pour tâche d'affiner sa Compilation-Cadre sur la base des propositions pour aboutir au texte de négociation qui sera présenté à la prochaine session. De ce point de vue, l'AGBM-6 ne fut ni une déception, ni un succès éclatant. Les délégués réussirent à combiner ou à éliminer certaines dispositions en chevauchement dans la myriade de propositions contenues dans la Compilation. Ils devaient par ailleurs charger le Président du mandat de produire un projet de texte de négociation. Cependant, de nouvelles propositions devaient émerger à la dernière heure, comme celles soumises par le G-77 sur les OQLRE qui vint signaler que nonobstant l'optimisme de plusieurs observateurs, l'AGBM-6 a encore des points fondamentaux à résoudre. Cette réunion n'a pas forcément réduit le nombre des propositions mises sur la table. Elle a simplement permis de les trier et de les mettre en ordre. L'AGBM-6 a tout de même permis aux Parties de franchir un pas, ne serait ce qu'un petit pas, sur le chemin de la réalisation de son mandat.

Un certain nombre de désaccords antérieurs ne se sont pas manifestés à cette réunion, en particulier ceux qui portaient sur les incertitudes scientifiques relatives aux changements climatiques ou encore sur le format du nouvel instrument à adopter par la CdP-3. Néanmoins, la réunion dévoila un grand nombre de divergences sur le contenu du Protocole, et en particulier sur les calendriers et objectifs, les politiques et mesures, et la compensation, ce qui laisse prévoir qu'un certain nombre de batailles vont pointer à l'horizon, avant Kyoto. Le Président de l'AGBM, ESTRADA, n'a pas manqué de signaler dans ses commentaires d'ouverture que l'un des problèmes les plus sérieux dans ces négociations est celui de la mésentente entre les pays industrialisés sur le contenu et le traitement des questions qui forment la plate-forme du Protocole.

En effet, bon nombre de désaccords, transatlantiques dans leur majorité, ont émergé sur les étapes et le calendrier des OQLRE et sur certains aspects spécifiques des politiques et mesures. Les délégués n'ont pas été non plus unanimes sur l'idée de différenciation entre les Parties de l'Annexe I quant aux objectifs de réduction des émissions. Les pays en développement ont aussi de leur côté exprimé des réserves, en particulier sur les propositions contenant de nouvelles annexes peu précises et sur les propositions liées à la mise en oeuvre conjointe et à l'échange en matière d'émission.

OQLRE: Au cours du débat sur les OQLRE, les Parties ont exprimé un certain nombre de perspectives souvent fondamentalement différentes. L'UE, la Suisse et la Norvège étaient les seules Parties de l'Annexe I à proposer des objectifs spécifiques. La plus forte de ces propositions provint de l'UE qui depuis la réunion de son Conseil Ministériel, appelle à une réduction à hauteur de 15% à travers toute l'union, d'ici 2010, en remplacement des différents engagements proposés par ses membres individuels. Selon certains, cette proposition pourrait mettre de l'ombre sur l'objectif de 20% pour l'horizon 2005 de la proposition de protocole de l'AOSIS. Les USA, d'un autre côté ont proposé l'échange en matière d'émissions, des budgets pluriannuels pour les réductions d'émissions, un système d'emprunts prélevés sur les budgets futurs et enfin, la mise en oeuvre conjointe avec les pays en développement. Mais hormis les quelques délégations ayant présenté des propositions spécifiques pour les OQLRE, la plupart des gouvernements ont axé leurs soumissions sur le renforcement des engagements de l'Article 4.2(a) et (b) et sur un appel à la flexibilité.

L'objectif de la différenciation, comme cela fut réitéré à plus d'une reprise en plénière et au cours des tables rondes par ceux qui y sont favorables, consiste à assurer un maximum de flexibilité. Alors que certains pays dont les US, l'Australie et la Nouvelle Zélande continuaient à insister sur des mesures flexibles telles que les mises en oeuvre conjointes et l'échange en matière d'émission, d'autres utilisaient le terme "flexibilité" aux fins d'imposer différents niveaux d'engagement.

Cette requête "d'équité" est basée sur l'appel du Mandat de Berlin à la prise en considération des différents points de départ des pays. Si le concept de différenciation parvenait à se frayer un chemin pour s'insérer dans le Protocole ou autre instrument juridique, il est à peu près certain que la plupart des Parties en profiteront pour présenter leurs "circonstances atténuantes" au risque de dévier le débat de son objectif essentiel à savoir, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de le plonger dans des questions inextricables de répartition. La Pologne suggéra de résoudre ce problème par l'agrégation des pays en groupes. L'Allemagne et la Russie adhérèrent au concept en proposant un certain degré de flexibilité pour les pays en transition économique. La Norvège et l'Islande avancèrent une formule spécifique de différenciation applicable à tous les pays. L'AUSTRALIE, l'IRAN, le JAPON et la POLOGNE proposèrent l'établissement d'indicateurs ou de critères pour servir de base à la différenciation. Aucune de ces propositions n'a cependant traité des problèmes plus pratiques concernant l'information et la quantification qui permettraient de déterminer un ensemble d'engagements justes et équitables. L'opposition de l'UE à la différenciation des engagements provoqua une certaine controverses, en particulier, après que l'UE eut présenté la décision de son Conseil des Ministres de l'Environnement d'appliquer ses propres objectifs quantitatifs en assumant un engagements conjoint et un partage interne du fardeau collectif.

Plusieurs Parties déclarèrent qu'ils percevaient ce concept de partage interne du fardeau comme une contradiction par rapport à la différenciation. Les USA, auparavant très fortement opposés aux alternatives de l'approche du taux uniforme, ont même suggéré d'inclure le tableau des objectifs de réduction différenciés comme proposition pour le Protocole "pour avoir ainsi tout un éventail d'options". Ayant perdu ses orateurs fortement opposés à la différenciation, le débat a semblé glisser doucement de la situation où on se demandait si une différenciation serait envisageable à celle où désormais la question principale est: comment concrétiser la différenciation.

Il reste cependant que, pour s'affirmer, la différenciation a besoin d'être précédée par de fermes propositions pour des objectifs et des calendriers précis de la part des pays. Un certain nombre de pays en développement se sont montrés fortement dubitatifs, à la fois à l'égard de la proposition US préconisant l'échange en matière d'émission et celle de l'UE appuyée sur les P&M, arguant que les deux seraient trop compliqués pour un protocole.

COMPENSATION: Les pays industrialisés firent part de leurs réserves sur un sujet potentiellement compliqué, celui posé pour les pays en développement: l'impact des P&M et la compensation des pays en développement pour les effets négatifs découlant de la mise en application des mesures de réponse. L'IRAN, le NIGERIA et le KOWEIT ont avancé quelques suggestions détaillées sur ces mécanismes dont celle consistant à établir une caisse de compensation. L'OUZBEKISTAN proposa de demander au PICC de faire des recommandations sur la manière de réduire les effets négatifs des engagements de l'Annexe I sur les pays en développement. Les réactions à cette requête ont donné à croire que certaines délégations ne prenaient pas trop au sérieux la proposition et peut être même qu'elles la percevaient comme une stratégie pour retarder le processus. L'un des délégués a demandé si les pays industrialisés qui souffrent de l'augmentation du pétrole seraient éligibles à la compensation ou si les pays industrialisés qui apportent leur aide par des mesures d'adaptation seraient également tenus pour responsables. Au sein du G- 77, les délégations de l'AOSIS ont répondu que la compensation ne doit pas servir à couvrir les manques à gagner mais à aider à faire face aux préjudices découlant de l'élévation de la température et du niveau de la mer. Certains participants ont exprimé leur surprise que l'AOSIS n'ait pas apporté un appui plus fort à cette proposition compte tenu de sa vulnérabilité aux effets de l'évolution climatique. D'autres, cependant, ont suggéré que les pays de l'AOSIS sont pleinement conscients des questions pratiques de mesure, de quantification et de facturation des effets du changement climatique et qu'une position forte sur ce sujet ne serait qu'un obstacle de plus sur leur route.

Néanmoins, certains participants croient savoir que la proposition du G-77 annoncée le dernier jour inclurait une référence à la compensation. Si le soutien de cette idée se répandait parmi les membres, l'image pourrait devenir encore plus compliquée. Le cocktail de propositions déjà compliqué sur les OQLRE a, selon certains, soulevé plus de questions qu'apporté des réponses: de quelle manière la mise en œuvre conjointe et l'échange en matière d'émissions pourraient s'ajuster avec les OQLRE? Sous quelles conditions les pays en développement pourraient accepter les activités de mise en œuvre conjointe et les échanges en matière d'émissions ? Comment la position de l'UE contre la différenciation entre les pays de l'Annexe I peut elle aller de pair avec le fait que les objectifs en matière d'émissions dans les pays de l'UE varient d'une augmentation à hauteur de 40% à une réduction de 30% ? Jusqu'à quel point les USA s'accrocheront-ils aux positions qui sont les leurs devant le nombre de délégations fermement opposées ? L'un des participants croit savoir que les propositions annoncées le dernier jour par le G- 77 englobent une faible référence à la compensation. Si ce concept devenait un point focal de la discussion, ceci ajoutera un autre facteur au tableau déjà compliqué et retardera sans doute la progression vers le Protocole.

SBSTA: Les discussions menées dans les autres organes subsidiaires ont des liens avec l'AGBM et pourraient servir d'indice de progrès ou d'indicateur pour les négociations futures. Cette série de réunions des organes subsidiaires fut marquée par une relative absence de désaccords sur les considérations scientifiques. Les sessions antérieures du SBSTA avaient vu des controverses sur l'utilisation du Second Rapport d'Evaluation (SRE) du PICC. Par contre, durant l'AGBM-6, peu de délégués, s'il en fut, ont utilisé les incertitudes scientifiques pour donner du front à leurs arguments. En fait, l'UE a cité les résultats du SRE en présentant sa proposition concernant une réduction de 15% à l'horizon 2010. Mieux encore, le Président du PICC, Bert BOLIN, a suscité très peu de réactions dans l'auditoire, lorsqu'il déclara "qu'aucune future réduction raisonnable pour les pays de l'Annexe I ne parviendrait à stabiliser les émissions mondiales." L'absence d'un débat animé sur les points scientifiques et les tâches méthodologiques que le SBSTA a suggéré pour le plan de travail indiquent que les futures activités de la communauté scientifique doivent se focaliser sur les questions de mise en oeuvre. Reste à voir cependant quel rôle pourraient jouer les scientifiques dans l'évaluation des effets des P&M mises en application par les pays de l'Annexe I.

AG13: Les débats de l'AG13 autour du futur processus consultatif multilatéral (PCM), bien qu'à leur débuts, ont produit ce qu'on qualifia de Compilation-Cadre des propositions antérieures. Des problèmes similaires à ceux rencontrés dans l'AGBM sont attendus, compte tenu de l'évolution des discussions. Bien que ce ne soit pas exactement un microcosme, l'AGBM13 est parvenue dans un cheminement ver un processus négocié, à quelques accords solides mais aussi à des perspectives divergentes. Le Président Patrick SZELL ouvrit l'AGBM13-4 en déclarant que le groupe ne pouvait pas continuer sur un "régime de déclarations générales." Il devait noter à la fin de la session, que le groupe a accompli plus qu'on ne s'y attendait. Contrairement à l'AGBM, les délégués ont fait montre d'une grande volonté pour aboutir au compromis et à l'intégration des propositions. Cela fut particulièrement flagrant, lorsque la Chine et l'UE cherchèrent à incorporer leurs propositions dans le texte. Mais comme dans l'AGBM, les efforts fournis par l'AG13 pour clarifier la forme du futur PCM ont laissé plusieurs détails dans le flou, en particulier dans la définition de son champ d'expertise et la mise en phase de ses travaux avec celui du SBI et du SBSTA. Là aussi l'AG13-4 a indiqué que certains différends devant être résolues, sur la question fondamentale consistant à savoir si le rôle du PCM doit être un rôle de consultation ou un rôle de supervision.

SBI: Les débats du SBI ont mis en lumière quelques points de désaccord. Les délégués ont requis plus de temps et des informations détaillées sur plusieurs programmes nouvellement proposés et ont exprimé une certaine préoccupation quant au processus post Kyoto. Les lignes budgétaires réservées à l'évaluation des communications nationales des pays en développement et la mention de l'échange en matière d'émissions n'ont pas été très populaires dans les rangs des pays en développement. Les pays industrialisés ont pour leur part exprimé de réserves sur l'augmentation proposée au niveau des effectifs du Secrétariat et des besoins en ressources. Les délégués ont également demandé un délais pour l'examen des détails de l'évaluation du FEM. En discutant des dispositions relatives à la CdP-3, la Chine et plusieurs autres pays en développement se sont plaints que les négociations sur la Déclaration Ministérielle de Genève, durant la CdP-2, les avaient pris de court et ont insisté sur un libellé notant que toute nouvelle proposition doit être circulée six mois avant la CdP-3. L'affirmation par certaines délégations que la pratique courante des Nations Unies donnait les indications avec suffisamment de temps à l'avance, donna fréquemment lieu à des allusions à la "conspiration" et au manque de transparence. Ce débat prolongé pourrait s'avérer particulièrement révélateur sur ce qui nous attend à Kyoto.

DANS LA PERSPECTIVE DE KYOTO: Au cours des débats sur la différenciation, les USA ont noté que les indicateurs peuvent être lus de deux manières. Le moins qu'on puisse dire est que les indicateurs du progrès des négociations sur le changement climatique sont tout aussi équivoques. La question de savoir si ces indicateurs signalent que l'AGBM est en train de progresser lentement mais sûrement ou qu'il est en train d'avancer mollement sur le chemin de Kyoto, semble relever de l'interprétation personnelle comme en témoignent les commentaires des participants.

Quelqu'un a noté que ce n'est le nombre de réunions qui accélérera pas la progression de l'action contre les changements climatiques et qu'il n'y aura de progrès réels que lorsque les concernés qui attendent le fruit de l'action se mobiliseront et apporteront leur soutien aux mesures potentiellement douloureuses nécessaires. A ce jour, et à l'exception des Petits Etats Insulaires, les groupes susceptibles de bénéficier directement de l'action se sont souvent manifestés à travers des formules générales pour ne pas dire vagues comme "les futures générations de l'humanité" ou "pour le bénéfice global de tout le monde".

Ceux qui font face à des pertes monétaires immédiates, sont par contre bien plus concrets et sont fréquemment en attente à la réception. Un autre devait noter que l'AGBM6 a marqué un jalon, ne serait ce que parce que le nombre de délégués gouvernementaux était dépassé par celui des représentants d'ONG appartenant, pour la plupart d'entre elles, au monde de l'industrie.

Un observateur chevronné commenta que ces négociations ont été difficiles et, compte tenu de l'échelle du problème et des changements nécessaires à leur solution, on peut dire que les délégués ont réalisé une avancée considérable et qu'il ne manqueront probablement pas d'accomplir la tâche qui leur est assignée. Un autre participant encore, résuma les points de vue des nombreux sceptiques en notant avec une certaine ironie: "pendant que les Parties argumentaient, prenaient position et marchandaient, le Rhin a débordé sur ses rives à cause d'un temps anormalement chaud pour la saison, ce qui a provoqué la fonte des neiges dans les montagnes".

Le Président ESTRADA a fait grand usage du marteau dans les dernières séances de l'AGBM6 pour tenter de ramener l'attention sur les propositions et loin des polémiques interminables. Il déclara qu'il pourrait avoir besoin d'utiliser un marteau encore plus lourd et plus fréquemment dans les futures réunions de l'AGBM. De tous les signaux et indicateurs concernant les sessions futures, ce dernier est probablement celui sur lequel on peut parier en étant sûr de ne pas perdre.

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