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BREVE ANALYSE DE LA CONFERENCE

La signification et les résultats de la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes seront jaugés selon un certain nombre de perspectives. Chacune de ces perspectives soulève un ensemble complexe d'attentes. Les critères pour mesurer la réussite et l'échec varient selon les acteurs en fonction de leurs rôles, niveau de participation et liens avec l'agenda en question. Certains se focaliseront sur les documents produits par la QCMF, d'autres sur les engagements pris par les Etats, et d'autres encore sur le processus impliqué et sur ce qu'il représente pour l'agenda mondial de l'égalité féminine.

LA DECLARATION DE PEKIN ET LA PLATE-FORME D'ACTION: La réalisation d'un accord consensuel sur la Plate-forme d'Action, laquelle traite, identifie, analyse les actions et invite les gouvernements à s'y engager, était considérée par certains participants comme la vraie base de la réussite. Alors que des différences fondamentales avaient émergé autour de certaines formulations du projet de la Plate-forme, lors de la 39ème Session de la CSF, comme sur le terme 'gender' par exemple, la possibilité d'introduire des réserves sur des portions du document était toujours susceptible de fournir aux apposants un mécanisme pour s'accommoder des éléments jugés désagréables. Le grand nombre de réserves introduites sur les questions de santé et de sexualité reflètent les différences politiques et culturelles de toujours que la QCMF eut le mérite d'exposer une fois de plus, sans avoir, pour être réalistes, la moindre chance de résoudre. La conjugaison de formules consensuelles et de notes de réserves, peut être perçue comme le rapport d'avancement des questions féminines dans les différentes parties du monde.

Comparée aux échanges effectués lors de la 39ème Session de la CSF, l'atmosphère qui a présidé aux consultations officieuses d'Août et qui a régné à Pékin était plus coopérative. Certains acteurs clés semblèrent avoir évolué de leur position première et parurent vouloir parvenir à un accord. Par exemple, le Saint-Siège donna très tôt des assurances qu'il ne souhaitait pas défaire les accords existants et ce pour faire face aux bruits qu'on a amplement fait courir disant qu'il cherchait à ouvrir les débats de la CIPD. L'un des organisateurs de la Conférence suggéra que la mauvaise publicité elle-même pouvait avoir été un facteur de cette réussite avec toute la stratégie de négociations.

La contrainte temps pesa quelque peu, étant donné le grand nombre de questions en suspens et la complexité de leur contenu. On fut obligé d'accélérer le rythme des négociations, ce qui ne manqua pas d'engendrer quelques objections. A un moment donné, le Président du groupe officieux chargé de la discussion de la section sur la santé, Mervat TALLAWY (Egypte), fut sur le point de démissionner, lorsque certains délégués l'accusèrent de vouloir forcer l'agenda. Mais dans leur majeure partie, les travaux progressèrent lentement mais régulièrement. De longues heures furent nécessaires mais on ne douta jamais sérieusement de l'accord final. Et pour réprendre le commentaire d'un membre du Secrétariat, 'Cette Conférence ne pouvait pas échouer'.

Outre l'objectif d'avoir un document consensuel, nombre de participants considéraient cette Conférence comme l'occasion de consolider et de réaffirmer les engagements pris dans le cadre d'autres conférences onusiennes, en un seul et même document focalisé sur le rôle de la femme. L'intégration des références à la question féminine dans chacun de ces accords antérieurs s'avéra d'importance pour la Plate-forme d'Action et la Déclaration de Pékin. L'un des points importants du débat de la QCMF était de savoir où se situait le libellé par rapport à celui des accords conclus dans de précédentes conférences. Certains délégués, pour défendre leur territoire politique, se référèrent aux formulations de Vienne, du Caire et de Copenhague. En fait, la QCMF élargit un certain nombre de dispositions établies.

Parmi les avancées, un appel pour la protection des activités en matière de droits humains opérant dans des environnements où la liberté de réunion et la liberté d'expression sont restreintes. Les délégués déclarèrent également que le viol systématique durant les conflits armés est un crime de guerre et dans certains cas un crime contre l'humanité. Ils reconnurent les droits de la femme à contrôler sa propre santé en matière de sexualité et de reproduction et à exercer son rôle dans les processus décisionnels. On reconnut aussi que les droits et responsabilités parentaux doivent être qualifiés de manière à assurer aux enfants et aux adolescents respect, intimité et accès aux services d'orientation et autres services de santé en cas de besoin, et que par ailleurs les intérêts de l'enfant son au-dessus de toute autre considération. Les références concernant la mesure du travail mon rémunéré furent également élaborées. Le traitement de certaines questions macro- économiques et de leurs effets sur les femmes ont engendré la satisfaction des ONG et des délégations des pays en voie de développement, et donné lieu à des réserves de la part de certains pays développés. En dépit de ces avancées au niveau des formulations par rapport aux documents d'autres rapports aux documents d'autres conférences onusiennes, la QCMF ne semble pas avoir franchi des pas significatifs dans l'agenda féminin de la CNUED. Les délégations, les ONG et les observateurs déplorèrent que les questions environnementales n'aient relativement bénéficié que de peu d'attention à Pékin et que certains concepts et textes approuvés étaient remis en question ou ignorés.

CONFERENCE SUR LES ENGAGEMENTS: La QCMF se transforma en une 'Conférence sur les Engagements' grâce à une proposition Australienne datant de 1994, soutenue par les ONG, invitant les Etats participants à utiliser leurs déclarations de Plénière pour annoncer des initiatives allant dans le sens des objectifs de la Plate-forme d'Action. L'idée trouva un grand soutien durant la 39ème Session de la CSF à New York et trouva sa place dans la Plate-forme d'Action.

Mais durant ces négociations, la suggestion Australienne disant que les engagements doivent être enregistrés par le Secrétariat de la Conférence pour être inclus dans une annexe au Rapport de la QCMF, fut laissée de côté. L'opposition à cette idée était le fait de certains Etats qui craignaient que des engagements spécifiques portant sur un nombre limité de 'points de préoccupation' dans la Plate-forme ne fussent une déviation par rapport à l'ensemble de l'agenda. Et ce sont les ONG qui ont assuré le suivi des déclarations de Plénière. Dans ses commentaires tout au long du processus préparatoire de la QCMF, le Secrétaire Général MONGELLA parla de l'agenda chargé d'analyses du mouvement féminin et de la nécessité de passer à l'action. Pour les délégations et les ONG leaders, les engagements sont devenus les premiers indicateurs palpables. Pour sa part, l'ONU est invitée à envisager un poste de haut niveau au sein du cabinet du Secrétaire Général et à poursuivre son programme de promotion féminine à travers l'ensemble de ses activités.

Pour ceux et celles qui en ont assez des paroles et qui demandent d'action, les 'engagements' constituent un premier pas vers la concrétisation; une opportunité non seulement pour assurer un suivi mais pour exercer des pressions en faisant de sorte que les délégations et les observateurs soient édifiés sur les mesures entreprises par chacun et sur ceux qui n'entreprennent rien. Les ONG trouvèrent aussi dans cette proposition un 'point d'ancrage' stratégique, durant les réunions régionales de pré-Conférence, un véritable point de ralliement. L'une des ONG organisatrices chargées du suivi des engagements expliqua que le plus important, c'était de 'ramener Pékin chez soi'. Avec la Plate-forme et la Déclaration, les engagements donneront aux efforts de lobbying à l'échelon national, davantage de poids, contribuant à l'aptitude des ONG de proposer des modèles d'initiatives spécifiques à leurs gouvernements, lorsqu'ils commenceront à travailler ensemble pour l'élaboration des stratégies de mise en oeuvre.

LE PROCESSUS MONDIAL: Pour de nombreux observateurs, le processus mondial de la QCMF constituera le riche et complexe critère pour la détermination de sa réussite. Des membres du Secrétariat et de la communauté des ONG ont donné à ce processus un certain nombre de qualificatifs importants, bon nombre d'entre eux affirmant que le siècle à venir sera 'le siècle de la femme'. On pense que les femmes prendront du pouvoir, mais qu'elles l'utiliseront pour participer à une re-définition de la vie économique, politique et sociale et pour reconstruire la paix et le développement à l'image d'une humanité plus équilibre et plus juste. Un responsable du Secrétariat de la QCMF déclara que les conférences mondiales des Nations Unies ont littéralement changé les conditions de vie de la femme. A Pékin, une association des droits de la femme Arabe s'est adressée à la Plénière, chose quasiment impensable voilà seulement quelques années. Le processus a dévoilé de nouvelles manières de penser. Entre Nairobi et Pékin, l'agenda de la question féminine est devenu un agenda de la parité hommes femmes. Le rôle des hommes dans ce processus doit également être encouragé.

La transition à un agenda universel fut réalisée à Pékin par la réaffirmation que les droits de la femme sont des droits humains. A Nairobi, l'agenda était allé bien au-delà des programmes féminins nationaux pour aboutir au développement d'un consensus féministe mondial. Le Président de l'European Women's Lobby, Ann TAYLOR, a déclaré qu'une grande évolution a marqué le mouvement féministe entre Nairobi et Pékin avec les femmes occupant aujourd'hui un espace différent un peu partout dans le monde. Elle affirma que les objectifs sont clairs et que l'engagement à mettre en oeuvre la Plate-forme est ferme. Les gouvernements, s'ils sont désormais à l'aise avec le texte, ont encore à découvrir les voix puissantes qui se trouvent derrière. Certains participants appellent déjà à une autre conférence mondiale dans cinq ans. Cette proposition est sérieusement examinée par la CSF et le Secrétariat des Nations Unies.

Au sein du système des Nations Unies, la Conférence ne manquera pas d'être perçue comme une étape des plus importantes du processus de soutien à l'élaboration d'un agenda mondial pour l'égalité des femmes. La QCMF est le produit des idées avant-guardistes au sein du système des Nations Unies concernant la question féminine, ayant contribué à la reconnaissance que l'égalité des sexes est une composante indispensable des processus entrecroisés de ses conférences mondiales sur l'environnement, la population, les droits humains et le développement économique et social. Pour les Etats membres, les Conférences des Nations Unies sur les Femmes (Mexique 1975, Nairobi 1985) et les accords onusiens (Convention pour l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l'Encontre des Femmes 1979) tiennent lieu de mécanisme puissant, assurant une médiation entre les exigences d'un réseau mondial de mouvements féminins de la société civile et les législateurs nationaux. Les attitudes des gouvernements envers la participation des femmes et envers les politiques d'égalité sexuelle, varient immensément, comme on a pu en témoigner durant la QCMF. Pour l'avant-guarde des mouvements féminins le processus onusien a renforcé l'internationalisation de leur cause et fourni des occasions uniques pour l'établissement direct de réseau, l'élaboration de programmes et la mobilisation. Les ONG ayant trouvé leur intérêt en accédant et en influençant et les négociations intergouvernementales et les travaux officiels de la QCMF et en maintenant leur puissance de mobilisation et d'échange d'idées dans le forum qui s'est tenu en parallèle à Huairou, les deux conférences expriment l'essentiel des dimensions du processus. En tout plus de 50.000 personnes ont prit part aux deux événements, la plus grande réunion mondiale sur l'initiative des Nations Unies.

Au coeur de ce processus dans lequel la QCMF tient lieu de repère important, se trouve un processus de lutte, d'apprentissage et d'édification de consensus autour d'objectifs réalisables.

La plupart des délégués participant aux réunions et conférences des Nations Unies sont obligés de s'appliquer eux-mêmes à certains sujets parfois pour la première fois. Cela fut reconnu au sein du G-77/Chine par l'un des représentants des Philippines lors de la 39ème Session de la CSF. Le processus d'apprentissage est l'un des résultats les moins tangibles. Mais ceux qui ont suivi le processus rapportent que certains sujets tels que la violence domestique et les droits en matière sexuelle qui, pour certaines délégations aux fora internationaux, étaient considérés comme marginaux, sont aujourd'hui bien inscrits à l'ordre du jour. Certains estiment que la QCMF a inauguré un débat qui a des chances de se poursuivre sur de nouveaux sujets, notamment celui d'"orientation sexuelle", dans le cadre de la non-discrimination et des droits humains. Les discussions officieuses sur ce sujet et sur d'autres questions liées aux droits en matière de sexualité ont été empreintes d'ouverture et de franchise, même si les positions sur le texte n'ont pas changé.

Un certain nombre d'ONG connaissant bien ces questions se sont familiarisées avec les négociations des Nations Unies et sont en train de développer des techniques et des stratégies de lobbying qui aboutiront probablement à l'une des branches les plus efficaces de la société civile mondiale. L'écart entre ceux qui sont dans le secret et ceux habitués à regarder s'exercer le pouvoir, de loin, était cependant évident et contribua à une certaine tension parmi les ONG, lors de la QCMF. Celles qui étaient bien préparées se sont retrouvées satisfaites de leur apport et du résultat des pressions qu'elles ont exercées. Le mécanisme adopté pour assurer au quotidien suivi et informations remontantes était un comité représentatif baptisé 'Equipo'. Cette équipe assura la coordination des affaires procéderales entre les ONG et le Secrétariat de la Conférence. La réaction des délégations gouvernementales aux efforts des ONG a varié en fonction des cultures politiques et de l'environnement des négociations. A la 39ème Session de la CSF, le Secrétaire Général MONGELLA avait commenté que les gouvernements, après avoir invité les ONG dans 'leurs salons, sont partis dans la cuisine et ne réapparurent que très tard dans la soirée.'

Quelque chose de similaire devait se produire à la QCMF, en particulier lorsque des questions importantes devaient être décidées en fin de compte par le groupe de haut niveau. Le grand nombre d'amendements et de points de divergence durant la première lecture du projet de la Plate-forme, nécessita la constitution de comités officieux pour traiter des détails. Cela se traduisit par quelques difficultés pour les représentants d'ONG en termes de suivi et de lobbying. Inévitablement, certains s'estimèrent avoir été exclus des échanges décisifs. Les Nations Unies mènent actuellement une revue de ces procédures concernant l'accès des ONG aux négociations. Les rapports en progression entre ONG et Nations Unies reflètent le plus grand mouvement mondial au sein duquel les femmes sont en train d'établir leur agenda en prenant des initiatives et en encourageant les gouvernements à leur emboîter le pas.


 


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