Daily report for 3 November 2014

La onzième réunion de la Conférence des Parties (CdP11) à la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CEM) s'est ouverte aujourd'hui à Quito, en Équateur, par un groupe de discussion ministériel de haut niveau sur le thème "Unir les droits de la nature et de l'Economie verte : trouver des solutions permettant de protéger la faune sauvage internationale"

LE GROUPE DE DISCUSSION MINISTERIEL DE HAUT NIVEAU

La réunion ministérielle de haut niveau axé sur la réconciliation des "philosophies apparemment contradictoires" de l'économie verte relevant du cadre du développement durable et de l'éradication de la pauvreté et des droits de la nature. Philippe Cousteau Jr. a animé le débat.  

Lorena Tapia, ministre de l'Environnement de l'Équateur, a souligné que l'Équateur a été le premier pays au monde à intégrer dans sa constitution nationale, les droits de la nature, dans une approche qui considère l'homme et la nature en tant que membres égaux d'un système vital intégral. Elle a mis en exergue l'importance de cette approche en tant qu'outil de protection de la biodiversité et, en particulier, des espèces migratrices qui peuvent manquer de valeur économique évidente ou mesurable. Notant que toute constitution nécessite des règles, des règlements et des politiques pour sa mise en application, elle a donné un aperçu de l'ensemble des politiques de l'Équateur concernant les droits de la nature, dont, notamment le "Plan national pour le Bien Vivre". Elle a demandé que le Groupe spécial examine les voies et moyens de créer des cadres et des mesures efficaces pour la protection des droits de la nature.

Signalant que cet événement se trouve être la première réunion de haut niveau à un CdP de la CEM, Bradnee Chambers, Secrétaire exécutif de la CEM, a appelé les conférenciers à focaliser plutôt sur la complémentarité des philosophies des deux approches, que sur leurs divergences. Il a décrit le contexte de chacune de ces deux approches de protection des espèces migratrices, que ce soit à travers des initiatives de "l'économie verte", comme l'écotourisme, ou à travers des mesures de protection des "droits de la nature" en faveur d'espèces migratrices "uniques et magnifiques", dont les fonctions et valeurs économiques ne sont, en terme de biodiversité, ni connus ni même déterminables. 

Steven Stone, Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), a déclaré que les approches économiques classiques n'ont pas livré la prospérité et le bien-être, proposant un changement de paradigme et une concentration sur les "droits de la nature". Il a également appelé à repenser les mesures de progrès, et a suggéré l'instauration d'un ordre comptable fondé sur la richesse inclusive comme moyen de capter les richesses physique, humaine et institutionnelle, entre autres dimensions.

L'Avocat Cormac Cullinan a plaidé pour une " approche fondée sur les droits de la nature", la reconnaissance de la terre comme un tout interdépendant et intégré, dans lequel toutes les espèces sont une valeur intrinsèque. Il a recommandé de reconnaître le droit de la nature et des espèces migratrices à exister, et a souligné que la préservation de ces droits est fondamentale pour vivre en harmonie avec la nature. Il a fait état des rôles dévolus aux gouvernements, à la communauté internationale et à la société civile, dans le soutien d'une telle approche.

Fernando Spina, président du Conseil scientifique de la CEM, Italie, a décrit le rôle que les émotions jouent dans la protection de l'environnement. Il a souligné l'importance de la reconnaissance officielle des droits de la nature en Equateur et en Bolivie, et a suggéré que cette idée devrait être beaucoup plus répandue dans le monde. Il a également mis l'accent sur l'importance d'une plate-forme scientifique solide ainsi que de la participation des citoyens au niveau mondial. 

Azzedine Downes, président directeur général, Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), a indiqué que le désir de vivre en harmonie avec la nature n'est pas une valeur universelle, soulignant que de nombreuses collectivités perçoivent la conquête de la nature comme un objectif primordial. Il a encouragé l'introduction de changements dans les cadres économiques et juridiques en vigueur aux fins d'éviter "la ruée vers le bas". 

Félix Wing, secrétaire général, Autorité nationale de l'environnement, Panama, a partagé une étude de cas menée au Panama sur les liens avec les droits de la nature, qui rend compte d'une évolution des concepts juridiques concernant les titulaires de droits. Il a souligné que les lois et conventions ne peuvent pas, à elles seules, résoudre le problème, soulignant l'importance de la participation du public. Il a en outre remis en question l'importance de la croissance économique lorsqu'elle constitue une menace pour la "base de notre existence" et a appelé à une révision des indicateurs du développement. Il a présenté les droits de la nature comme étant principalement un concept juridique, et l'économie verte, comme étant une notion économique, se demandant si nous ne sommes pas en train d'essayer de "comparer des pommes et des oranges", et a précisé que chacun de ces concepts est lié à une vision philosophique et idéologique spécifique du monde. 

John Scanlon, Secrétaire général de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), s'est demandé si l'attribution de droits à la nature risquait de donner lieu à des tensions entre ces droits et les droits de l'homme. Il a souligné l'importance du mécanisme de respect des obligations de CITES, faisant état d'une absence de mécanismes similaires dans d'autres processus. Il a déclaré que la dégradation de l'environnement est causée par des milliards de petits gestes, précisant qu'influencer les décisions de tous les jours est essentiel "pour inverser la tendance". 

Noel Nelson Messone, ministre des eaux et forêts, Gabon, s'est demandé si la conclusion d'un nouveau pacte social, économique et juridique n'était pas nécessaire pour faire du développement durable une réalité. Il a indiqué qu'un ensemble commun de valeurs fondamentales devrait être établi pour encadrer la relation de l'homme avec la nature. 

Répondant à Cousteau sur les lacunes dans l'octroi de certains droits à la nature, Messone a déclaré que les lois du Gabon sont en train d'étendre des points de vue adoptés depuis longtemps. Tapia a déclaré que son gouvernement accueille avec satisfaction la participation de la société civile dans la protection de l'environnement, que les institutions et les autorités de l'Equateur ont pris l'engagement et qu'elles répondent bien à ces questions. Elle a affirmé que l'Équateur pouvait être considéré comme un modèle du rôle à jouer dans la protection de l'environnement. 

S'agissant du rôle de la société civile dans les coûts et l'assainissement de la dégradation de l'environnement, Scanlon a déclaré que l'Australie a créé des bureaux du Réseau australien des défenseurs de l'environnement, en guise de mécanisme à travers lequel, les citoyens ou groupes de citoyens peuvent obtenir des conseils juridiques pour exercer leurs droits environnementaux. Il a déploré, cependant, qu'un changement de gouvernement ait entraîné une diminution importante du financement pour le réseau, chose qui soulève la question de savoir où les citoyens pouvaient aller pour exercer "plus facilement" leurs droits.

Elizabeth Mrema, PNUE-Division du droit et accords environnementaux (DELC), a déclaré que le mécanisme de respect des obligations de la CITES est efficace, en grande partie, en raison des conséquences économiques et sanctions pour non-conformité. Elle a souligné qu'il n'existe pas encore de mécanisme équivalent dans la CEM, mais qu'un certain niveau de respect des obligations s'y trouve être atteint à travers les communications nationales. Elle a demandé si les structures des conventions devaient être revues aux fins d'y rendre compte des changements survenus dans les points de vue sur les droits environnementaux. Elle a également recommandé la reconnaissance de la nécessité de ressources concomitantes pour la mise en œuvre. Messone a indiqué qu'un large consensus est nécessaire pour une mise en œuvre efficace. 

Alfred Oteng-Yeboah, président du Comité permanent de la CEM, Ghana, a déclaré que les décisions prises à la CEM, et dans le cadre d'autres conventions relatives à la biodiversité, sont en grande partie le résultat d'une volonté politique suffisante qui en a permis l'adoption. Il a souligné les responsabilités des parties dans la mise en application des résolutions de la CdP et, notamment, dans la mise à disposition de ressources financières et techniques suffisantes. 

Downes a remis en question le concept de "droits de la nature", disant qu'il s'agit là d'une question controversée, et a parlé de l'utilisation plutôt de celui de tutelle juridique, les gouvernements et le grand public étant plus susceptibles de l'accepter. Il a soutenu que "la marchandise la plus rare rare sur terre est le bien-être", et s'interrogeant sur la manière de mesurer ce concept, a cité des exemples, tels que l'indice du bonheur national brut du Bhoutan. Il a précisé que ces indices sont maintenant traduits dans d'autres mesures qui pourraient être utilisées comme substituts au PIB. 

La ministre Tapia a mis en relief les législations équatoriennes, comme la législation sur les forêts, qui visent à préserver et à restaurer la nature. Ana Paulo Gudo Chichava, ministre adjoint chargée de la coordination des affaires environnementales, Mozambique, a souligné l'importance de l'éducation environnementale dans les communautés, leurs points de vue de la conservation de la nature étant différents de ceux des gouvernements. 

L'Ambassadeur Patrick Van Klaveren, Monaco, a également souligné le rôle de l'éducation pour la réalisation de la gestion durable des ressources naturelles. Boundjiouw Sama, secrétaire général du Ministère de l'environnement et des ressources forestières, Togo, a ajouté qu'au Togo la notion de "droits de la nature" n'a pas encore cours, mais que des efforts sont actuellement fournis, à travers l'éducation et la sensibilisation, pour promouvoir la gestion durable des ressources naturelles. 

Stone a souligné qu'il y a beaucoup de ressources financières disponibles qui pourraient être exploitées et investies dans la conservation de la nature. Downes a souligné la difficulté d'intégrer les données concernant les espèces évoluant à l'extérieur des pays respectifs dans les programmes de l'environnement. 

Messone a parlé du sort des éléphants de la forêt et des mesures adoptées pour lutter contre le braconnage, ainsi que du défi que posent les conflits entre éléphants et agriculteurs à la prise de mesures visant à encourager le retour à l'agriculture. Spina a souligné l'importance d'atteindre les enfants, au profit des espèces migratrices. 

Øystein Størkersen, Norvège, a souligné la nécessité de valoriser les différentes ressources naturelles. 

Cullinan a souligné que la dégradation et l'érosion des ressources naturelles ont des impacts sur les plus pauvres et que, par conséquent, le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté est de préserver l'environnement. Il a également mis l'accent sur l'importance d'attribuer des droits à la nature pour se départir de l'histoire qui considère les êtres humains comme les seuls habilités à avoir des droits. Spina a précisé que pour la première fois la CdP CEM allait se pencher sur la culture des animaux. 

Stone a résumé les discussions du groupe de discussion et a qualifié cet événement de moment historique, les espèces migratrices étant reconnues comme indicateurs de l'écosystème, et le concept des droits de la nature étant mis en avant. La ministre Tapia a conclu le groupe de discussion en reconnaissant le travail accompli dans la démonstration de l'importance de l'attribution de droits à la nature.

Ce numéro du Bulletin des Négociations de la Terre © <enb@iisd.org> a été rédigé par Kate Harris, Kate Louw, Tanya Rosen, Asterios Tsioumanis, Ph.D., and Catherine Wahlén, Ph.D. Edition numérique: Diego Noguera. Version française: Mongi Gadhoum. Editrice en chef: Pamela S. Chasek, Ph.D. <pam@iisd.org>. Directeur du Service des informations de l’IIDD: Langston James “Kimo” Goree VI <kimo@iisd.org>. Les bailleurs de fonds du Bulletin sont: la Commission européenne (DG-ENV et DG-CLIMAT) et le Gouvernement de la Suisse (l’Office fédéral suisse de l’environnement (OFEV) et l’Agence suisse pour la coopération au développement (DDC)). Un soutien général est accordé au Bulletin, au titre de l’exercice 2014, par: le ministère fédéral allemand de l’environnement, de la préservation de la nature, du bâtiment et de la sécurité nucléaire (BMUB), le ministère néo-zélandais des affaires étrangères et du commerce extérieur, SWAN International, le ministère finlandais des affaires étrangères, le ministère nippon de l’environnement (à travers l’Institut des stratégies environnementales mondiales - IGES), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), et le Centre de Recherche pour le développement international (CRDI). Un financement spécifique pour la couverture de cette réunion a été fourni par l’Office fédéral suisse de l’environnement (OFEV). Le financement pour la traduction du Bulletin en français a été fourni par le gouvernement de la France, la Wallonie, le Québec et l’Organisation internationale de la francophonie/Institut de la francophonie pour le développement durable (OIF/IFDD). Les opinions exprimées dans le Bulletin appartiennent à leurs auteurs et ne reflètent pas forcément les vues de l’IIDD et des bailleurs de fonds. Des extraits du Bulletin peuvent être utilisés dans des publications non commerciales moyennant une citation appropriée. Pour tout renseignement, y compris les demandes de couverture d’événements par nos services, contacter le Directeur du Service des informations de l’IIDD, <kimo@iisd.org>, au +1-646-536-7556 ou par courrier au 300 East 56th St., 11D, New York, New York 10022, USA.11D, New York, New York 10022, USA. L’équipe du ENB à la CdP11 à la CEM est joignable par courriel à <tanya@iisd.org>.

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