1. Le présent document porte sur le débat concernant le commerce et l'environnement dans le secteur forestier. Son objectif est double. Il s'agit d'abord d'encourager la discussion et d'aider à comprendre certains problèmes majeurs qui découlent de l'effort général visant à assurer la complémentarité des politiques commerciale et environnementale. Le document traite en outre d'un certain nombre de questions qu'il faut résoudre pour apporter une solution durable à ces problèmes. Des options et des approches sur lesquelles fonder la coopération internationale à cette fin sont proposées.
2. Le commerce des produits forestiers est un élément important de l'équilibre des forêts du monde et peut grandement contribuer au développement local et national . La rentabilité de l'industrie forestière et l'économie de nombreux pays producteurs reposent sur les exportations de produits forestiers, alors que de nombreux autres pays dépendent des importations pour soutenir leurs industries locales et satisfaire leurs besoins essentiels en produits forestiers. Les échanges mondiaux dans ce secteur sont considérables et apportent des avantages importants aux pays qui y participent, quoique l'on reconnaisse que certains pays en profitent moins que d'autres, sinon pas du tout . Il est clair néanmoins que le commerce des produits forestiers est un élément crucial de l'économie mondiale et que les échanges ainsi que les politiques commerciales continuent d'avoir des répercussions environnementales sur les forêts.
3. Le commerce et les politiques favorisant le commerce peuvent accroître la portée de l'activité économique et influencer l'organisation internationale de la production et de la consommation. Les politiques en place, notamment environnementales, commerciales, sociales et économiques, détermineront largement si cette influence sera positive ou négative du point de vue écologique. Dans le contexte forestier, promouvoir et favoriser le commerce devraient avoir un effet positif si cela permettait de remédier aux faiblesses de la politique commerciale. L'effet serait au contraire négatif si les échanges de produits forestiers augmentaient en l'absence de politiques appropriées et efficaces visant entre autres à corriger le marché. Par conséquent, la question n'est pas de savoir si le commerce des produits forestiers doit exister, mais plutôt de trouver le moyen de faire en sorte que la libéralisation du commerce s'effectue dans le cadre d'une politique forestière générale qui prenne en compte tous les aspects sociaux, économiques environnementaux et autres et qui, de ce fait, favorise l'aménagement forestier durable.
4. En matière de politique commerciale, il existe deux approches fondamentales à l'aménagement forestier durable : la promotion ou la restriction. La première permet d'affecter éventuellement les recettes provenant du commerce à l'aménagement forestier durable - c'est une approche axée sur le marché . Il faut noter cependant que promouvoir le commerce suppose, à long terme, que l'on tienne compte de toutes les questions sociales, économiques et environnementales pour que cette approche contribue à l'aménagement forestier durable. La seconde approche est fondée sur un système de réglementation directe appliqué aux frontières, qui risque de détourner l'attention de la nécessité de s'attaquer à la source des problèmes d'aménagement forestier (p. ex. les déséquilibres du marché) et de mécontenter les partenaires commerciaux. Ces deux approches ont des conséquences importantes, qui doivent être examinées minutieusement. Il s'agit d'étudier les possibilités qu'offre le commerce pour favoriser l'aménagement forestier durable.
5. Jusqu'à présent, le débat sur le commerce et l'environnement dans le secteur forestier a porté principalement sur l'imposition de restrictions à l'importation ou à l'utilisation de certains produits forestiers, afin d'inciter les pays exportateurs à abattre moins d'arbres ou à changer certaines de leurs pratiques . Par ces propositions, certains gouvernements et organisations non gouvernementales cherchent à restreindre les importations après avoir évalué les pratiques forestières et les modes de production des pays exportateurs en fonction de la situation forestière et industrielle de leur pays et sans avoir consulté une troisième partie neutre .
6. Les restrictions peuvent être directes, p. ex. des interdictions d'importation, ou indirectes. Ces dernières vont des prescriptions relatives à la certification et à l'étiquetage connexe décidées unilatéralement à divers programmes facultatifs reposant sur des critères inappropriés et à des règlements pris par des gouvernements locaux afin de limiter ou d'interdire l'utilisation de certains produits forestiers dans certains cas (p. ex. dans les codes locaux d'achat ou de construction). Les restrictions indirectes comprennent également les décisions prises par des fabricants, des détaillants ou des consommateurs d'arrêter d'acheter des produits forestiers de pays qui n'auraient pas adopté des pratiques d'aménagement forestier durable. Dans ce dernier cas, une personne détermine elle-même quelles sont les pratiques acceptables d'aménagement forestier. Toutes ces mesures incitent les producteurs et les exportateurs à modifier leurs politiques et pratiques internes de gestion des forêts relevant de leur juridiction. L'un des principaux risques de l'approche de restriction du commerce est que les importateurs ou les pays importateurs peuvent prendre des mesures restrictives, davantage pour se plier aux pressions protectionnistes ou politiques de l'industrie locale ou d'autres groupes de pression que pour satisfaire à des préoccupations environnementales légitimes à l'égard des forêts dans les pays exportateurs ciblés . L'approche restrictive peut trouver sa source entièrement dans le secteur non gouvernemental ou être mise en oeuvre au niveau infranational.
7. De telles actions soulèvent un certain nombre de questions essentielles au dialogue multilatéral sur les problèmes touchant les forêts. Tout d'abord, en l'absence de normes adéquates et acceptées au niveau international définissant l'aménagement forestier durable , sur quelles bases un importateur ou un pays importateur peut-il juger du bien-fondé des politiques et des normes adoptées par d'autres pays? De même que dans tout processus d'établissement de normes, notamment pour l'aménagement forestier ou pour la production secondaire et tertiaire, les autorités nationales et les autres organes qui en sont chargés doivent tenir compte d'un vaste éventail de facteurs, notamment les caractéristiques de types précis de forêts, les besoins et les capacités des collectivités locales, les conséquences environnementales, sociales et économiques des autres programmes, en particulier les autres priorités en matière d'environnement, les valeurs sociétales, les tendances internationales, etc. Dans bien des cas, les conditions différentes observées dans divers pays laissent supposer qu'il sera nécessaire d'adopter des normes et des politiques différentes à l'égard de chacun. Les mesures prises sans tenir compte de la complexité de la situation locale et sans la participation des pays exportateurs concernés deviennent alors des « solutions miracles », qui ne sont pas nécessairement justifiées .
8. Outre la question de savoir si une action particulière est justifiée, il faut se demander si le recours à des mesures de restriction par un pays (qu'il s'agisse d'une décision multilatérale ou non), en vue d'influencer les politiques et les normes d'autres pays, réussira réellement à favoriser un aménagement forestier durable et des modes de production plus « propres et verts ».
9. Si le commerce est inutilement entravé sous l'effet de restrictions à l'importation ou de mesures prises par des organisations non gouvernementales, on enlève aux industries, et aux pays, tout au moins certains moyens de mettre en pratique l'aménagement forestier durable. Si la valeur marchande des forêts baisse (p. ex. à la suite d'une interdiction d'importer), celles-ci risquent fort d'être détruites au profit d'autres activités économiques, comme l'agriculture de subsistance ou la culture commerciale, domaines où la conservation des forêts n'est même pas un objectif. Si la valeur marchande des forêts augmente à long terme (p. ex. grâce au commerce) et si certaines autres conditions sont réunies, cette ressource a plus de chance d'être conservée et utilisée efficacement .
10. L'adoption de politiques ou de programmes qui ne tiennent pas compte des circonstances locales peut causer davantage de dégâts que de bien à l'environnement. Par exemple, si un pays importateur impose une exigence qui ne cadre pas avec les conditions du pays exportateur, ce dernier pourrait mal orienter les maigres ressources dont il dispose, et ce au détriment d'autres priorités environnementales, ou se trouver confronté à de nouveaux problèmes environnementaux, notamment dans d'autres secteurs, parce qu'il aura été forcé de se plier à cette exigence.
11. Compte tenu des problèmes entourant la justification et l'efficacité des approches fondées sur la restriction du commerce, on peut conclure que des progrès importants et à long terme ne pourront être accomplis en matière d'aménagement forestier durable que lorsque les pays ayant la juridiction légale dans le domaine des ressources prendront des mesures à cette fin -- les autres pays ne peuvent pas en assumer la responsabilité . Le recours à des pénalités commerciales risque de ne pas créer les conditions propices aux efforts nationaux favorisant un aménagement forestier durable ou des modes de production plus « propres ou verts » (l'approche de la carotte), mais plutôt d'imposer des frais aux pays ciblés, en particulier les pays en développement, ce qui les rendrait moins aptes à apporter les changements nécessaires (l'approche du bâton). Il y a aussi le risque que la coopération et la coordination nécessaires pour faire avancer le programme international soient entravées par le mécontentement suscité par les pénalités commerciales.
12. De plus en plus d'ouvrages donnent à penser que le commerce n'est pas la principale cause des problèmes environnementaux. Toutefois, les répercussions réelles sur l'environnement de la libéralisation du commerce dans différents secteurs industriels, y compris dans ceux de la foresterie et des produits forestiers, sont encore peu connues. La question de l'existence et de l'étendue des liens entre le commerce du bois et les problèmes environnementaux a récemment fait l'objet d'une étude publiée par l'OCDE . Cette étude conclut que « les échanges de bois ne sont pas la cause majeure de la déforestation et de la dégradation de l'environnement mondial; non seulement la reconversion des forêts à d'autres usages tels que l'agriculture est un facteur plus important, mais une grande partie du bois récolté dans le monde est destinée à la consommation nationale et n'entre pas dans les échanges internationaux ».
13. L'OIBT a également parrainé une étude sur les liens entre le commerce des bois tropicaux, la déforestation et l'environnement . Selon cette étude, il n'y aurait probablement pas de lien important entre le commerce des bois tropicaux et la déforestation. L'une des raisons poussant certains à croire que le commerce n'est pas un facteur majeur de déforestation tropicale est que seulement une petite partie (6 %) du bois rond utilisé par l'industrie fait l'objet d'échanges internationaux. On a souvent mentionné que des facteurs comme la pauvreté, le sous-développement, la croissance démographique et les distorsions du marché étaient des causes plus probables de déforestation. Certains maintiennent en outre que la croissance économique généralisée peut favoriser la préservation des forêts, car un pays qui s'enrichit accordera plus d'importance à leur rôle environnemental (l'effet du revenu) et aura davantage recours à des technologies qui consomment moins de ressources.
14. De toute évidence, une situation où chaque pays décide des pratiques d'aménagement forestier et des modes de production devant être adoptés par d'autres pays ne fournira pas une base solide permettant de concevoir des solutions positives, cohérentes et durables. Néanmoins, l'argument contre la prise de mesures de restriction du commerce n'est pas un argument en faveur de l'inaction -- le fait que les conditions régnant dans chaque pays sont différentes ne constitue pas une excuse pour tourner le dos au problème. La coopération internationale et la conception d'approches consensuelles seront nécessaires pour trouver des solutions durables. À mesure que la communauté internationale progresse dans ce domaine, on peut envisager le commerce comme une force positive dans la mise en oeuvre d'approches consensuelles vis-à-vis des questions forestières au niveau international. En ce qui concerne l'aménagement forestier durable, il conviendrait de s'entendre sur un ensemble de critères et d'indicateurs pertinents pouvant servir de base à un programme international de certification et d'étiquetage .
15. En général, les programmes de certification et les programmes d'étiquetage connexes peuvent grandement aider à informer les consommateurs sur les aspects environnementaux des produits qu'ils achètent. Ces programmes, qui sont en général très bien perçus, peuvent remplacer efficacement les mesures de restriction du commerce et même faciliter l'accès aux marchés. Toutefois, la prolifération actuelle de programmes d'étiquetage nationaux, mis en oeuvre selon des méthodes et des critères différents et donnant lieu à des revendications contradictoires ou difficiles à prouver, peut miner la crédibilité de ces programmes auprès des consommateurs. Une approche plus universelle accroîtrait l'efficacité de ces instruments, mais nécessiterait un consensus international quant aux normes sous-jacentes permettant d'évaluer l'aménagement forestier durable et la reconnaissance mutuelle de différentes normes servant aux mêmes fins. Mettre sur pied des programmes de certification et d'étiquetage sans adopter une telle approche pourrait favoriser les abus et la désinformation .
16. Les gouvernements pourront en arriver à un consensus international sur les critères et les indicateurs devant servir de base à une norme relative à l'aménagement forestier durable, s'il :
est élaboré dans le cadre d'un processus international indépendant, ouvert, transparent et global;
est acceptable aux yeux des producteurs, des consommateurs, des groupes environnementaux et des autres intervenants du secteur forestier;
est complet et vise tous les types de forêts (à savoir celles des régions tropicales, tempérées et boréales);
prend en compte les conditions locales;
est objectif et scientifique et fournit des repères mesurables;
se prête à la mise en place de méthodes d'évaluation uniformes;
n'empêche pas de tenir compte des répercussions sociales, économiques et autres;
s'il est pratique et économique.
17. Des normes scientifiques reconnues au niveau international qui tiendraient compte de la diversité des types de forêts, des besoins locaux, des priorités nationales, ainsi que d'autres facteurs, pourraient servir de fondement à un accord international sur l'utilisation de la certification et de l'étiquetage connexe pour mettre en oeuvre ces normes, si les programmes volontaires ne s'avèrent ni efficaces ni suffisants. Un programme international de certification et d'étiquetage devrait favoriser l'accès aux marchés.
18. Il faut que les représentants de tous les groupes de pression, y compris les représentants des pays producteurs et consommateurs, prennent part aux discussions sur les préoccupations environnementales internationales relatives aux forêts. Tous les intéressés pourront ainsi travailler de concert pour définir une approche cohérente et adopter des instruments pertinents en vue de s'attaquer aux sources des problèmes d'aménagement forestier. Si l'on ne tient compte que de la vision de l'aménagement forestier durable d'un seul groupe de pays, les problèmes ne seront alors pas tous abordés, et les problèmes que l'on ignore peuvent s'aggraver. Une approche reposant sur un consensus entre les intéressés et les pays concernés pourrait faciliter l'élaboration et l'adoption d'autres genres de mesures, notamment commerciales, pouvant favoriser l'aménagement forestier durable.
19. L'industrie forestière a évidemment intérêt à recourir à des pratiques d'aménagement forestier durable. Son approvisionnement en matières premières sera assuré à long terme et elle deviendra, de ce fait, de moins en moins vulnérable. Investir dans des activités environnementales a généralement de nombreuses répercussions positives comme l'accroissement des débouchés et la création d'emplois. De plus, avoir la réputation d'être « conscient du bien commun » est un précieux outil de commercialisation sur un marché de plus en plus soucieux de l'environnement.
20. Les gouvernements subissent des pressions croissantes en vue de passer à l'action et se voient réclamer des solutions miracles à des problèmes environnementaux complexes. Les restrictions commerciales sont un moyen attrayant d'accélérer le changement, car les gouvernements disposent de très peu d'outils pour influencer les façons de faire d'autres pays, ce qui, comme nous l'avons déjà mentionné, peut avoir des conséquences négatives . Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue les problèmes qu'entraînent les solutions miracles et les avantages d'une vision à long terme. Les enjeux sont complexes et les capacités techniques et financières varient d'un pays à l'autre. Les résultats ne se concrétiseront pas du jour au lendemain. Nos efforts doivent porter sur la recherche collective de solutions durables, en commençant par le défi fondamental qui consiste à convenir de critères sur lesquels se fonder pour définir l'aménagement forestier durable.
21. Toutefois, il faut d'abord résoudre un certain nombre de questions, afin d'élaborer des solutions durables qui feront progresser le programme international sur les problèmes des forêts. La discussion porterait sur la participation des institutions internationales à l'avancement de l'analyse des questions commerciales et environnementales, la nécessité de disposer de règles commerciales supplémentaires ou la clarification des règles existantes et l'élaboration de programmes de certification des produits forestiers.
Certaines institutions internationales comme le GATT, la CNUCED, le PNUE, le PNUD, l'OCDE, la Banque mondiale et l'Organisation internationale de normalisation (ISO) analysent une multitude de problèmes relatifs au commerce et à l'environnement. Est-il nécessaire qu'elles se concentrent sur les problèmes forestiers?
L'OIBT a décidé que, à partir de l'an 2000, tous les bois tropicaux exportés devront provenir des « sources gérées de façon durable », mais n'a pas encore précisé ce que cela signifie en termes réels.
Il existe un certain nombre de possibilités d'augmenter l'attention qui est portée aux forêts. On pourrait demander à la FAO de fournir davantage d'aide, ou alors le débat sur le commerce et l'environnement au sein du PNUE et de la CNUCED pourrait être élargi pour mettre en valeur les problèmes forestiers mondiaux. Quelles sont les autres options qui pourraient être suivies?
Il serait peut-être nécessaire, tout au moins à moyen terme, de compter sur les instances internationales déjà en place, tout imparfaits que soient les résultats obtenus à ce jour en ce qui concerne l'aménagement forestier durable.
Certains gouvernements et organisations non gouvernementales prétendent que les règles commerciales internationales devraient leur permettre d'imposer des restrictions unilatérales sur certains produits forestiers importés, afin de protéger les forêts ou l'environnement dans les lieux affectés par des modes de production nuisibles, mais ne tombant pas sous leur juridiction. Une telle position est-elle justifiée en l'absence d'une norme acceptable d'aménagement forestier durable?
Dans un contexte multilatéral, y a-t-il des circonstances où la communauté internationale devrait être autorisée à prendre des mesures collectivement (p. ex. par certaines dispositions à l'intérieur d'un accord international sur l'environnement), lorsque le principal effet de ces mesures environnementales se ferait sentir à l'extérieur de la juridiction des parties?
Le comité du commerce et de l'environnement de la nouvelle OMC est-il la meilleure tribune internationale où aborder ces questions?
Étant donné que l'OMC, le PNUE, la CNUCED et la Commission du développement durable de l'ONU sont les principales institutions chargées de la mise en application de l'Action 21 et des autres résultats obtenus à la CNUED, et qu'il faut encourager un peu partout la coopération, le comité du commerce et de l'environnement de l'OMC devrait-il comprendre des représentants du PNUE, de la CNUCED et de la Commission?
La prolifération de programmes d'étiquetage du bois traduit la volonté de nombreux pays de s'assurer que les produits forestiers proviennent de forêts gérées de façon durable. L'étiquetage doit toutefois être accompagné d'un système de certification reposant sur une norme, ce qui soulève un certain nombre de questions :
Le système servira-t-il à évaluer les aspects environnementaux ou relatifs au développement durable des produits forestiers de remplacement?
Quels organismes se chargeront de la certification? Qui en assumera les frais?
À quel niveau de précision doit se faire l'évaluation de l'aspect aménagement durable aux fins du commerce?
Faut-il employer les mêmes critères pour les forêts naturelles ou aménagées?
Dans quelle mesure favoriserait-on l'élaboration d'un système général et international de certification et d'étiquetage des produits forestiers en établissant des normes scientifiques qui seraient acceptées au niveau international et tiendraient compte des rôles multiples des forêts?
S'il est vrai que les programmes de certification et les programmes d'étiquetage connexes peuvent jouer un rôle utile en informant les consommateurs des aspects environnementaux des produits, leur application aux importations peut avoir des effets sur l'environnement ou le développement à l'étranger (soit en dehors du territoire ou de la juridiction où ils sont appliqués). Ces effets peuvent exister peu importe que le programme soit obligatoire ou volontaire, ou mis en oeuvre par un gouvernement ou une organisation non gouvernementale. Comment les gouvernements peuvent-ils faire en sorte que les programmes de certification et d'étiquetage répondent aux besoins légitimes d'information des consommateurs, tout en évitant des effets commerciaux inutiles?
Ou alors, un tel consensus sur les normes sous-jacentes d'aménagement forestier durable pourrait-il constituer le fondement de la reconnaissance mutuelle ou de l'harmonisation des approches d'étiquetage existantes?
1. Reconnaître que le commerce peut aider les pays à promouvoir l'aménagement forestier durable dans un cadre d'action qui prenne en compte le rôle social, économique et environnemental des forêts. De plus, étant donné qu'il est dans l'intérêt de toutes les nations de faire en sorte que le commerce favorise l'aménagement forestier durable, il conviendrait de recommander l'adoption d'un processus permettant aux gouvernements intéressés d'explorer, d'élaborer et de mettre en oeuvre les réformes jugées nécessaires pour que le commerce contribue à l'aménagement forestier durable.
2. Admettre que, si les mécanismes du marché tenaient compte des frais liés à l'aménagement forestier durable, le commerce pourrait favoriser plus efficacement l'aménagement forestier durable, et suggérer un processus dans le cadre duquel les intéressés pourraient examiner comment tenir compte de ces frais et faire en sorte que les prix reflètent de façon plus tangible les fonctions multiples que remplissent les forêts.
3. Recommander que les intéressés examinent toutes les politiques concernant les prix, les taxes et les droits, et les mécanismes s'y rapportant, pour voir s'ils sont discriminatoires et s'ils nuisent à l'aménagement forestier durable.
4. Recommander que les intéressés comparent le commerce des produits forestiers à celui des autres produits, notamment agricoles, afin de garantir que les politiques applicables favorisent, plutôt que n'entravent, l'aménagement forestier durable.
5. Reconnaître l'importance d'une participation internationale à l'élaboration des critères et des indicateurs relatifs à l'aménagement forestier durable, aux fins de la certification et de l'étiquetage;
6. Admettre que les pays ont le droit d'adhérer à des programmes de certification facultatifs; se prononcer en faveur de programmes de certification indépendants et crédibles; admettre que l'élaboration de critères et d'indicateurs à l'échelle internationale peut contribuer à l'instauration de programmes de certification complémentaires; et recommander l'adoption d'un processus permettant à tous les intéressés de veiller à ce que les programmes de certification soient complémentaires et cohérents.
7. Recommander que les intéressés envisagent d'élaborer des codes de conduite reconnus à l'échelle mondiale pour les multinationales s'occupant de gestion, de récolte et de commerce de produits forestiers.
8. Confirmer le rôle du GATT ou de l'OMC dans la détermination des mesures appropriées de restriction du commerce en fonction des pratiques d'aménagement forestier ou des modes de production forestière.
Les participants à la deuxième session de la Commission du développement durable des Nations Unies ont accordé beaucoup d'attention à la question du commerce. De nombreuses délégations (Brésil, Chine, Colombie, Malaisie, Indonésie, République de Corée et le Third World Network) ont souligné le besoin de politiques économiques internationales prévoyant le recours au commerce plutôt qu'à l'aide pour stimuler le développent. Dans son rapport sur les travaux de sa deuxième session, la Commission considère que « la libéralisation des échanges peut apporter une contribution majeure au développement durable et souligne qu'il faut résister au protectionnisme ». Reconnaissant qu'il doit y avoir un équilibre entre les objectifs commerciaux et environnementaux, la Commission réaffirme que « la promotion d'un environnement sûr et sain, au moyen d'efforts énergiques et efficaces de protection de l'environnement aux niveaux international et national, est un élément essentiel du développement durable ». (Conseil économique et social des Nations Unies. 1994. Rapport de la Commission du développement durable sur les travaux de sa deuxième session : New York, 16-27 mai 1994. E/CN.17/1994/20, 12 juillet 1994) Ce que l'on cherche à dire ici c'est que le commerce présente des avantages économiques et non que ces avantages sont répartis « équitablement » ni que le commerce des produits forestiers ne nuit à aucun autre intérêt. Bien que les questions de justice sociale soient étroitement liées à celle du développement durable, elles débordent le cadre du présent document. La façon de garantir que les bénéfices nets du commerce des produits forestiers servent à l'aménagement forestier durable suscite une controverse. Certains préconisent une approche par secteur et estiment qu'il faut réinvestir directement les bénéfices nets dans le secteur des forêts pour que le commerce contribue à leur aménagement durable. D'autres préfèrent considérer cette question dans une perspective nationale, où les forêts et les ressources en général sont utilisées pour apporter des changements majeurs à d'autres secteurs reflétant les intérêts généraux d'un pays sur le plan social et du point de vue du développement. La relation entre le développement durable d'un secteur et celui d'une économie déborde le cadre du présent document. Toutefois, même si le commerce des produits forestiers peut raisonnablement être perçu comme un outil de développement économique, il faudrait quand même tenir compte de tous les avantages que présentent les forêts et adapter les pratiques d'aménagement forestier en conséquence. Que les fonds utilisés à cette fin proviennent directement du commerce des produits forestiers ou indirectement d'un autre secteur de l'économie importe peu. Le plus important est de voir à ce qu'il y ait des mécanismes en place pour assurer la disponibilité des fonds nécessaires. Les gestionnaires de ressources forestières perçoivent souvent mal les marchés nationaux et internationaux en raison leurs déséquilibres et de politiques inadéquates qui donnent lieu à des coupes trop intensives et à des pratiques d'aménagement forestier dommageables. En général, les mesures commerciales comme l'interdiction d'importer ou l'imposition de droits permettent plus ou moins de palier les distorsions du marché ou les politiques inappropriées dans un pays. Il ne s'agit pas, la plupart du temps, des meilleures mesures à prendre (parce qu'elles n'ont qu'une influence indirecte sur les causes de déséquilibre des marchés nationaux) et, en l'absence d'information détaillée, elles ont peu de chance de donner lieu à des décisions favorisant un aménagement forestier durable. Cela ne veut pas dire que les mesures de restriction du commerce n'auront jamais un effet positif, car elles peuvent très bien, dans certains cas, contribuer à améliorer la situation. D'autres genres de mesure s'attaquant directement aux sources de distorsion des marchés et d'intervention inadéquate des pouvoirs publics seront en général plus efficaces et plus rentables. Les restrictions à l'importation visant à empêcher la propagation d'insectes nuisibles, à rendre effectives les restrictions nationales relatives à certains produits (p. ex. les toxines) et à remplir d'autres fonctions débordent le cadre du présent document et il n'en n'est donc pas question. L'utilisation des termes « exportateurs » et « importateurs » ou « producteurs » et « consommateurs » vise à simplifier la discussion. En réalité, une multitude d'intervenants nationaux et internationaux participent au débat, y compris ceux qui représentent les personnes préoccupées depuis longtemps par la gestion forestière dans les pays industrialisés et en développement. Il est en outre reconnu que les pays qui ont une industrie forestière sont à la fois « producteurs » et « consommateurs ». Utilisés ici dans un contexte commercial, ces termes sont synonymes d' « exportateurs » et d'« importateurs ». L'exemple de programmes de certification obligatoires et unilatéraux comme mesures de restriction indirectes ne signifie pas que tous les programmes de certification de produits forestiers restreignent le commerce. Les systèmes de certification fondés sur des critères appropriés et reconnus mondialement peuvent contribuer à l'aménagement forestier durable. Par exemple de tels systèmes indépendants et facultatifs pourraient satisfaire les consommateurs qui souhaitent avoir plus de renseignements relatifs à l'environnement et favoriser l'aménagement forestier durable (un excellent document traite des questions de certification des produits forestiers : Ghazali, B.H. et M. Simula. 1994. Certification Schemes for all Timber et Timber Products. Rapport préparé pour le groupe de travail sur la certification de tous les bois et produits du bois de l'OIBT, 12-16 mai 1994. Cartagena, Colombie. Dans son rapport sur les travaux de sa deuxième session, la Commission du développement durable réaffirme le principe 12 de la Déclaration de Rio en appelant les gouvernements à « veiller à ce que les normes ou règlements concernant l'environnement ... ne servent pas à exercer une discrimination arbitraire ou injustifiée, ou ne soient pas une façon déguisée d'imposer des restrictions au commerce » et à « éviter toute action unilatérale pour faire face à des problèmes écologiques hors de la juridiction des pays importateurs » (Conseil économique et social des Nations Unies. 1994. Rapport de la Commission du développement durable sur les travaux de sa deuxième session : New York, 16-27 mai 1994. Rapport E/CN.17/1994/20, 12 juillet 1994). Nous utilisons ici l'expression « normes adéquates et acceptées au niveau international définissant l'aménagement forestier durable », car les gouvernements n'en sont pas arriver à un consensus sur les critères scientifiques et les indicateurs mesurables qui permettent de définir l'aménagement forestier durable. L'absence d'un tel consensus explique, dans une large mesure, pourquoi il n'y a pas de norme nationale ou internationale reconnue par les gouvernements dans ce domaine. Il existe toutefois des normes d'aménagement forestier durable non gouvernementales, notamment les principes et critères de gestion des forêts élaborés par le Forest Stewardship Council. Il en est brièvement question dans le document suivant : Ghazali, B.H. et M. Simula. 1994. Certification Schemes for all Timber and Timber Products. Rapport préparé pour le groupe de travail sur les programmes de certification de tous les bois et produits du bois de l'OIBT, 12-16 mai 1994. Cartagena, Colombie. Il est évident que les processus internationaux pouvant servir à élaborer des normes d'aménagement forestier durable qui reconnaissent explicitement les complexités de la situation locale et prévoient la participation de tous les pays concernés sont complexes. L'élaboration de telles normes ou d'un réseau de normes nationales équivalentes est un travail de longue haleine. Une hausse des profits nets découlant de l'aménagement forestier peut inciter à accroître la superficie des forêts visées par l'aménagement. Cela ne veut pas dire que toute augmentation de la valeur marchande des forêts favorisera automatiquement leur conservation. Nombre d'exemples prouvent le contraire. Toutefois, les décisions de surexploiter les forêts à des fins commerciales sont moins souvent le résultat d'une hausse des profits nets dans le domaine de la foresterie que des distorsions du marché et du manque d'intervention des pouvoirs publics par exemple en ce qui concerne les systèmes de bail, l'application des politiques et la diffusion de renseignements. D'autres facteurs macroéconomiques entrent aussi en jeu, notamment les politiques monétaires qui affectent les taux de change et ont une influence collective sur les décisions relatives aux coupes, la production étant déterminée en fonction du présent. Les distorsions du marché et les politiques inappropriées peuvent en outre empêcher que l'on tienne compte de tous les avantages que présentent les forêts dans le calcul de leur valeur marchande. Les accords environnementaux internationaux comme la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre sur les changements climatiques sont d'importants mécanismes qui font ressortir les avantages non commerciaux des forêts. Cela ne signifie pas que les préoccupations environnementales transfrontières découlant de décisions prises par un pays en matière d'aménagement forestier n'ont pas leur raison d'être. Dans un contexte mondial par exemple, toutes les nations ont intérêt à protéger les forêts, qui contribuent à stabiliser le climat et constituent une source de diversité biologique. La CNUED a démontré que la meilleure façon de résoudre les problèmes environnementaux transfrontières, régionaux ou mondiaux était de former des partenariats internationaux réunissant les intéressés. De tels partenariats (p. ex. des instruments juridiques ou d'autres arrangements coopératifs) permettent de faire en sorte que les décisions relatives à l'aménagement forestier prennent en compte les intérêts régionaux ou mondiaux, même si les forêts relèvent de la juridiction des différents pays. Barbier, E. 1994. Les effets environnementaux des échanges dans le secteur forestier. pp. 65-110 dans Les effets environnementaux des échanges. OCDE, 1994. London Environmental Economics Centre. 1993. The Economic Linkages Between the International Trade in Tropical Timber and the Sustainable Management of Tropical Forests. Rapport principal et annexes A-K. London Environmental Economics Centre, Institut international pour l'environnement et le développement. Activité de l'OIBT PCM(XI)/4. Londres. Il convient de noter que la Commission du développement durable a recommandé récemment aux gouvernements et aux organisations concernées de poursuivre la mise au point de mécanismes de protection de l'environnement compatibles avec le commerce, notamment des programmes non discriminatoires d'étiquetage écologique ainsi que des systèmes non discriminatoires de certification et de vérification, qui prennent en compte les capacités financières et institutionnelles des pays en développement. La Commission a également recommandé de faire appel à cette fin aux ressources de l'Organisation internationale de normalisation. En juin 1994, l'industrie canadienne des produits forestiers a entrepris, sous la direction de l'Association canadienne de normalisation (ACNOR), l'élaboration de directives et de spécifications en vue d'établir une norme canadienne pour une certification volontaire en aménagement forestier durable. L'industrie a en outre fait valoir que la mise au point d'une norme internationale devrait revenir à l'Organisation internationale de normalisation (ISO), qui est à son avis l'organisation la plus appropriée pour ce genre de travail. Les initiatives de l'industrie, de l'ACNOR et de l'ISO seront sûrement compatibles, du fait que l'ACNOR est membre de l'ISO et que les deux organisations collaborent étroitement, en particulier à l'élaboration du Système de gestion de l'environnement de l'ISO. Il faut comprendre que des mesures commerciales peuvent avoir des conséquences inattendues et inacceptables pour le secteur visé et les autres secteurs, si elles sont prises sans tenir compte de la situation particulière.