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Une année d'apprentissage pour les négociations environnementales

Lettre de l’éditeur de l'État de la gouvernance environnementale mondiale 2021

18 February 2022

State of Global Environmental Governance 2021

Négocier des accords mondiaux sur l'action climatique, la restauration de la biodiversité, le contrôle de la pollution plastique et d'autres crises environnementales n'est pas facile dans le meilleur des cas - et 2021 en était loin. Pourtant, il y a eu des gains alors que le monde naviguait sur des vagues changeantes de COVID-19 et un partage inégal des vaccins.

Notre rapport L'état des négociations environnementales mondiales 2021 explore les faits saillants et les points faibles de l'année écoulée. La lettre d'ouverture de la Dre Jennifer Allan met cette année tumultueuse en contexte tout en envisageant les jalons de négociation possibles en 2022.

J’attends avec impatience l’année où ces rapports ne commenceront pas par une référence à la pandémie de coronavirus. Ce n’est pas encore pour cette année. L’année 2021 a commencé avec optimisme - distribution précoce des vaccins dans les pays du Nord - et s’est terminée avec la propagation d’un nouveau variant, hautement transmissible et des inégalités persistantes en matière de vaccins. La pandémie a continué à prendre des vies et des moyens de subsistance. Elle façonne encore notre mode de vie et la capacité des États à faire face collectivement aux crises environnementales.

À première vue, 2021 a beaucoup ressemblé à l’année précédente - perturbée et difficile. Mais cette évaluation désinvolte ne rend pas leur dû au personnel de l’ONU, aux négociateurs et aux représentants de la société civile. 2021 a été une année d’apprentissage.

Les pratiques de réunion en ligne ont évolué. Nous avons eu des réunions « hybrides » impliquant à la fois des modes de travail virtuels et présentiels. Les réunions prenaient plusieurs semaines pour permettre de passer moins d’heures en ligne chaque jour. Elles ont alterné souvent les fuseaux horaires, car les délégués ont tenté de jongler avec la gouvernance mondiale et l’équité des fuseaux horaires avec le travail domestique, le sommeil et leurs tâches quotidiennes habituelles. Presque tout le monde a eu droit à un groupe de contact à 4 heures du matin.

Nous avons vu les premières réunions en mode présentiel depuis le début de la pandémie. La communauté mondiale ne s’est pas contentée de rentrer à petits pas dans la normalité avec une petite réunion. Elle a fait un saut. Le Congrès mondial de l’UICN a rassemblé des milliers de personnes. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a vu plus de 40 000 personnes inscrites à la COP de Glasgow. Le lieu n’a accueilli que 10 000 personnes. Des files d’attente et des complaintes s’en sont suivies. Dans les rues, jusqu’à 100 000 citoyens ont défilé pour la justice climatique.

Ces incursions dans quelque chose proche de la normale étaient des essais pour l’année à venir. Il y a eu des cas de COVID à la COP de Glasgow, mais ils ont eu peu d’impact sur les taux de cas locaux. La tenue de plus de réunions en mode présentiel est chose très probable en 2022, avec le nouveau régime de tests quotidiens, de masques et de distanciation physique. Certaines dates sont susceptibles d’être modifiées, si (ou quand) les conditions de la pandémie changent. C’est encore une période de flou. Les dates et les formats des réunions continuent de changer rapidement.

Nous faisons le point sur les différents processus de négociation, compte tenu des perturbations continues en 2021, dans la section 4. Bon nombre de réunions ont été tenues, mais peu ont produit des résultats substantiels. Beaucoup étaient des rassemblements informels, principalement destinés à maintenir les questions environnementales à l’ordre du jour politique. Les pays ont avancé sur des questions importantes, là où ils le pouvaient. D’importantes décisions procédurales ont aidé à faire avancer les programmes de travail. Le GIEC a adopté un rapport historique, comme partie intégrante du Sixième rapport d’évaluation, nous alertant de nouveau sur la profondeur et l’urgence de la crise climatique.

La destruction de l’environnement ne s’arrête pas, même face à une pandémie qui transfigure le monde. Alors que la gouvernance était au point mort, les impacts des crises du climat, de la nature et de la pollution ont été de plus en plus clairs. Cartes postales d’un monde en feu documente 193 catastrophes alimentées par le dérèglement climatique à travers le monde. Ma ville natale dans le nord du Canada s’est retrouvée sous un «dôme de chaleur». Les températures ont atteint 41°C ; là où nous sommes beaucoup plus habitués à -41°C. Plus de 600 personnes sont mortes dans la province et 650 000 animaux de ferme sont morts près de ma ville natale. Des histoires similaires se sont déroulées dans le monde entier, alors que des inondations et des incendies, des sécheresses et des tempêtes provoquaient de sérieux bouleversements. De nombreuses communautés n’ont pas les avantages d’un solide filet de sécurité publique pour les soutenir pendant ces périodes de perte. La pandémie se terminera, un jour, mais les crises environnementales ne font que s’intensifier.

Nous nous tournons à juste titre vers les institutions mondiales pour résoudre les problèmes mondiaux. Au moment où le Bulletin des négociations de la terre fête ses 30 ans, nous restons fermement convaincus que le multilatéralisme est la voie à suivre.

Les problèmes mondiaux sont de plus en plus imbriqués. Nous documentons les inégalités croissantes amplifiées par la pandémie et la manière dont elles menacent les résultats environnementaux dans la section 3. Au cours de 2020, ces liens se sont renforcés. En 2021, le Conseil des droits humains des Nations Unies a reconnu le droit universel à un environnement propre, sain et durable, avec des conséquences juridiques qui pourraient affecter les négociations environnementales dans les années à venir.

Il y a une tendance claire dans la façon dont les institutions mondiales gèrent les problèmes environnementaux mondiaux — la prise d’engagements (voir section 2). Cette dernière est de vigueur depuis un certain temps et se trouve notamment inscrite dans l’Accord de Paris de 2015 sur le changement climatique. En 2021, la prise d’engagements semblait encore plus dominante. C’était peut-être une valeur par défaut utile, étant donné que les pays ne pouvaient pas se réunir pour négocier et adopter des règles mondiales. Mais pour moi, au moins, elle semblait plus fondamentale. La plupart des grandes réunions de l’année ont porté sur des prises d’engagements.

L'impact du COVID-19 sur la couverture des réunions par BNT
L'impact du COVID-19 sur la couverture des réunions par BNT

Les prises d’engagements sont des promesses. Il peut y avoir des directives pour les rendre plus cohérentes et même des règles sur la reddition de comptes. Mais en fin de compte, ce ne sont que des promesses sur ce qui se passera dans le futur. L’écart entre promesses et actions est inéluctable. Les pays ont fait des promesses sur le climat à Glasgow et les pays et les entreprises ont promis des « pactes énergétiques » à New York, ils ont également augmenté leurs investissements dans la production de combustibles fossiles.

Peut-être que cet écart alimente la montée des litiges climatiques : 2021 a vu de nombreuses décisions importantes. Aux Pays-Bas, le tribunal de district de La Haye a ordonné à Shell de réduire ses émissions de 45 % d’ici 2030 dans toutes ses activités et tous ses domaines d’application. C’est la première fois qu’une entreprise se voit ordonner de réduire ses émissions de gaz à effet de serre conformément aux rapports du GIEC et aux objectifs de l’Accord de Paris. Les tribunaux nationaux et internationaux ont élargi les devoirs de diligence des États concernant le changement climatique, créant ainsi des précédents importants pour les litiges futurs. Les litiges sur la nature et la biodiversité étant également en augmentation, nous pourrions voir d’autres décisions historiques au cours de l’année à venir.

On essaie d’imaginer 2022 pour conclure le rapport. Cette année, il semble que nous soyons sur un terrain plus solide que l’an dernier… mais pour être juste, nous n’avons pas encore eu raison dans nos prévisions. La barre est confortablement basse. 2022 pourrait être une année exceptionnelle pour la gouvernance environnementale : de nouveaux cadres pour régir la gestion de la nature et des produits chimiques ; plus d’ambition climatique ; de nouvelles négociations lancées pour traiter la question des plastiques marins et la création d’un organe scientifique et politique pour les produits chimiques. Cela juste à temps, alors que le Programme des Nations Unies pour l’environnement fête ses 50 ans et que nous marquons les 50 ans de la Conférence historique des Nations Unies sur l’environnement humain, qui a mis les questions environnementales à l’ordre du jour mondial.

Idéalement, nous terminerons 2022 aussi heureux qu’une petite fille au zoo de Cincinnati, qui a enfin pu rencontrer son homonyme mondialement connu : Fiona l’hippopotame.