Les délégués à la quatrième session de l’Organe directeur (OD 4) du Traité international sur les ressources phytogénétiques destinées à l’alimentation et à l'agriculture (le Traité ou le TIRPG) se sont réunis en session plénière tout au long de la journée, pour entendre des déclarations et des rapports, aborder les questions d'organisation, et initier les discussions sur la Stratégie de financement.
SÉANCE PLÉNIÈRE
OUVERTURE : À la suite d’une cérémonie menée par un prêtre balinais et comportant des danseurs traditionnels balinais, la Présidente de l’OD 4, Cosima Hufler (Autriche), a exprimé son appréciation à l’Indonésie pour accueillir la session. La réunion a observé une minute de silence en mémoire aux victimes du tremblement de terre et du tsunami au Japon.
Le Secrétaire du TIRPG, Shakeel Bhatti, a souligné le soutien de l’Indonésie au Traité et sa contribution financière aux Fonds sur le partage des avantages, l'appui de la FAO et de sa Commission sur les ressources génétiques pour l’alimentation et l'agriculture (CRGAA) et les relations institutionnelles positives entre le Traité et la Convention sur la diversité biologique (CDB). Le Secrétaire exécutif de la CDB, Ahmed Djoghlaf, a présenté une vue d'ensemble des résultats de la dixième réunion de la Conférence des parties à la CDB, y compris le nouveau Plan stratégique et le Protocole de Nagoya relatif à l'accès et au partage des avantages (APA), relevant les complémentarités entre le Traité et le Protocole sur l’APA et soulignant l’importance de l’entrée en vigueur à court terme du Protocole.
La Secrétaire du CRGAA, Linda Collette, a mis l’emphase sur la collaboration récente entre l’Organe directeur du TIRPG et la Commission, soulignant le lancement du deuxième Rapport sur l'état des RPGAA dans le monde, le projet de Plan d'action global révisé, et le projet révisé des normes relatives aux banques de gènes.
Le Directeur général de l'Agence indonésienne pour la recherche et le développement agricole, IR. Haryono, a annoncé que l'Indonésie s’est engagée à fournir 100,000 $ US au Traité. Il a informé les délégués que 48 pays ont participé à la Conférence ministérielle sur la biodiversité au service de l'agriculture et de la sécurité alimentaire, visant à renforcer la mise en œuvre du TIRPG dans le contexte du changement climatique, qui s’est tenue le 11 mars et a eu comme résultat la Déclaration ministérielle de Bali.
Au cours d’un exposé d'ouverture, l’assistant au Directeur général de la FAO, Modibo Traoré, a félicité le TIRPG pour la rapidité avec laquelle il est ratifié. Relevant un déboursement par le Fonds sur le partage des avantages du Traité de 10 millions $ US, incluant pour aider les agriculteurs à adapter leurs cultures au changement climatique, il a invité toutes les parties à honorer leurs engagements financiers.
QUESTIONS D'ORGANISATION : La Présidente Hufler a annoncé le remplacement des Vice-présidents, les nouveaux étant : Travis Power (Australie) pour la région du Pacifique occidental Sud ; Maria Cecilia Calvacante Vieira (Brésil) pour la région de l'Amérique latine et des Caraïbes ; et Mohd Saad Azman (Malaisie) pour la région asiatique.
Le Maroc, au nom du G-77/CHINE, a demandé à ce que la mise en œuvre de la Stratégie de financement soit examinée avant les procédures sur le respect des dispositions du Traité. Les délégués ont adopté l'ordre du jour (IT/GB-4/11/1) tel que modifié, et l’horaire (IT/GB-4/11/2 Rev.2) tel que révisé suite à la réunion du Bureau. Ils ont élu Kassahun Embaye (Éthiopie) comme rapporteur de la réunion ; et créé un comité de vérification des pouvoirs, de même qu'un Comité sur le budget, co-présidé par Lim Eng Siang (Malaisie) et Søren Skafte (Danemark). La Présidente Hufler a noté que la participation au Comité sur le budget est limitée aux parties.
Le Secrétaire du TIRPG, Bhatti, a reconnu les contraintes financières auxquelles les parties font face et leur a recommandé de supporter la croissance du Traité. Il a souligné les priorités pour le Programme de travail et le budget de 2012/13, y compris la consolidation de la reconnaissance publique du rôle du Traité et de sa coopération avec le Protocole sur l’APA.
RAPPORTS : La Présidente Hufler a présenté son rapport (IT/GB-4/11/4) soulignant que les contributions volontaires au budget ont sensiblement augmenté, et que le Fonds sur le partage des avantages a suscité une plus grande attention politique.
Le Secrétaire du TIRPG, Bhatti, a présenté son rapport (IT/GB-4/11/5), félicitant les délégués pour les énormes progrès accomplis par le Traité au cours des dix dernières années et appelant à un engagement renouvelé pour le nouvel exercice biennal. Il a notamment relevé, les progrès accomplis en matière d’incorporation de ressources phytogénétiques destinées à l’alimentation et à l'agriculture (RPGAA) dans le système multilatéral (MLS), incluant des pays en développement. Il a souligné les synergies du Traité avec le Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures et la CDB, et a appelé à la répartition proportionnée des ressources pour promouvoir la mise en œuvre du TIRPG.
VIA CAMPESINA, au nom de la société civile, a attiré l'attention sur la concentration des corporations dans le secteur des semences, notant que le Traité ne peut pas dépendre du financement des corporations.
DÉCLARATIONS : Soulignant son soutien au Traité, comprenant une contribution 2.2 millions d’€ additionnels aux Fonds sur le partage des avantages pour l'exercice biennal courant, l'ESPAGNE a encouragé l’OD à examiner les recommandations contenues dans la Déclaration de Cordoue sur le rôle de la biodiversité agricole dans la lutte contre la faim et le changement climatique, adopté en septembre 2010. Le Brésil, au nom du GRULAC, a souligné la nécessité de contributions durables et prévisibles au budget de base et d'un accord sur les règles financières, et a demandé que les ateliers régionaux mandatés sur les droits des agriculteurs soient entrepris.
Le G-77/CHINE a attribué sa priorité aux droits des agriculteurs, à l’utilisation durable des RPGAA, à la Stratégie de financement, au budget et au développement des capacités. L'Iran, au nom de la RÉGION du PROCHE-ORIENT, a invité les pays à respecter leurs engagements en matière de transfert de technologies. Le YÉMEN a appelé à la sensibilisation au sujet des droits des agriculteurs et des législations nationales pour les mettre en application. Les É.-U. ont fait état des auditions du Comité du Sénat concernant le Traité, qui a recommandé la ratification, et ont exprimé l'espoir que le nouveau Sénat consentira à la ratification.
Le groupe ETC et le SEARICE, au nom de la société civile, ont présenté les récipiendaires de la Récompense commémorative de Herman Warsh en reconnaissance des services exceptionnels rendus à la communauté des RPGAA : José Ramon Lopez-Portillo (Mexique), Melaku Worede (Éthiopie) et César Gómez Campo (Espagne).
RÈGLES FINANCIÈRES : Le Secrétariat a présenté ce point (IT/GB-4/11/6) et a invité les parties à finaliser les questions en suspens. La Présidente Hufler a proposé que le Groupe des amis de la Présidente, comportant un représentant par région, se réunisse pour discuter des règles financières. CUBA s'y est opposé, citant des contraintes logistiques auxquelles font face les petites délégations et le grand intérêt que suscite cette question pour bon nombre de parties. La Présidente Hufler a indiqué que sa proposition reste sur la table, en attendant d'autres consultations. SEARICE a souligné que pour rendre le Traité plus efficace, les parties devraient être d'accord sur des contributions volontaires, basées sur une échelle indicative.
BUDGET : Réitérant que son pays contribue de façon importante au Traité, le délégué de l'ESPAGNE a exprimé des inquiétudes face au fait que le Traité survit grâce à la générosité d'une poignée de pays, ce qui n'est pas soutenable dans le long terme et va à l'encontre du multilatéralisme. Il a exprimé des préoccupations relatives au déficit du budget administratif de base, vu que les contributions n'ont pas été reçues. Les activités de base ont donc dû être financées à partir de prêts provenant de Fonds spéciaux. Il a noté que la proposition pour le prochain budget, à la croissance nominale presque nulle, est dans la même situation difficile due aux nombreuses activités exigées au titre du Traité. Il a souligné qu'un budget administratif de base pour le Traité doit être dégagé et que des engagements doivent être pris pour le financer. L'IRAN était d’accord, attirant l’attention sur le fait que les activités au titre du Traité ne devraient pas être entièrement déterminées par les donateurs, mais basées sur des décisions prises, et un financement convenu, par le l’OD.
STRATÉGIE DE FINANCEMENT : Bert Visser (Pays-Bas), Co-président du Comité consultatif sur la Stratégie de financement, a présenté le rapport du Comité (IT/GB-4/11/8), soulignant ses recommandations portant sur : la mobilisation des ressources ; l’opération du Fonds sur le partage des avantages ; et la mise en œuvre intégrale de la Stratégie de financement. Notant que davantage de travail intersessions est nécessaire, le délégué a déclaré que, avec un mandat renouvelé, le Comité pourrait aborder : la supervision des cycles de projet, en particulier la gestion de projet, la surveillance et l’évaluation ; la supervision des efforts de mobilisation de ressources ; et les directives sur la création et la mise en œuvre des partenariats.
La Présidente Hufler a relevé la recommandation du Bureau d’attribuer plus de temps au Groupe d'experts pour leur permettre de compléter leur évaluation des propositions, en vue de leur approbation par le Bureau de l’OD 5.
Chypre, pour le GROUPE RÉGIONAL EUROPÉEN (GRE), a demandé des efforts continus en vue d'atteindre l’objectif de 166 million de $ US. Elle a notamment recommandé : l’intensification de la coopération entre le Fonds de partage des avantages et le Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures ; et la création de partenariats au-delà des relations avec les donateurs. Elle a exprimé des inquiétudes face à l’ampleur des frais généraux et a suggéré d'accélérer les processus de recrutement de la FAO pour éviter les retards dans la mobilisation de ressource.
Le CANADA a demandé au Secrétariat d’établir les implications budgétaires des résolutions actuellement examinées. L'AUSTRALIE a félicité le Secrétariat pour avoir repéré des sources de financement non traditionnelles et a attiré l'attention sur la contribution de son pays d’une valeur de 800.000 $ US aux Fonds sur le partage des avantages.
L'AUSTRALIE s'est opposée au renouvellement du mandat du Comité consultatif, le CANADA proposant que le Bureau assume le rôle du Comité. L'ANGOLA a souligné que le financement doit atteindre les agriculteurs, et s’est opposée au démantèlement du Comité consultatif.
Le BRÉSIL a suggéré la création d'un organe permanent d'experts pour s’occuper des appels à propositions. La MALAISIE a en outre relevé la nécessité de financer des projets dans toutes les régions. La SUISSE a indiqué que le Fonds sur le partage des avantages doit maintenir sa position de pilier de la Stratégie de financement et a appelé à un financement prévisible et à des contributions volontaires régulières.
Le FONDS INTERNATIONAL POUR LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE (FIDA) a illustré l'importance de la biodiversité pour la réduction de la pauvreté rurale et a souligné la nécessité que soit conservée la biodiversité à travers l'utilisation durable. VIA CAMPESINA a mis l’accent sur le fait que la conservation ex-situ ne devrait pas monopoliser le financement, relevant que la conservation à la ferme est bien plus importante et devrait tirer bénéfice des contributions des parties et de l'industrie. La FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES SEMENCES a souligné le soutien de l'industrie des semences aux banques de gènes, aux programmes de sélection végétale dans les pays en développement et au Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures, et a demandé des approches novatrices pour la mise en œuvre du Traité. Le Secrétaire du TIRPG, Bhatti, a exprimé son appréciation aux parties qui ont contribué au Fonds sur le partage des avantages.
Récapitulant les discussions, la Présidente Hufler a notamment souligné les accords conclus sur : le besoin de contributions soutenables et portant sur plusieurs années ; la création de partenariats ; et l’identification des agences de mise en œuvre. Elle a souligné des vues différentes sur : le renouvellement de la convocation du Comité consultatif ; la collaboration entre le Traité et le Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures ; et les frais généraux, notant que cette question sera traitée par le Comité budgétaire. Une résolution révisée sera examinée mardi.
APPLICATION DU TRAITÉ : René Lefeber, Co-président du groupe de travail ad hoc sur l’application du Traité, a présenté le rapport des Co-présidents (IT/GB-4/11/7), soulignant la nécessité de davantage de discussions pour régler les questions en suspens. La Présidente Hufler a suggéré la création d'un groupe de contact pour finaliser les règles et les procédures sur le respect des dispositions et pour examiner les résolutions correspondantes. Elle a proposé que le groupe de contact comporte deux porte-paroles par région, et soient ouvert aux parties et aux observateurs.
GRULAC et le YÉMEN se sont opposés à la création d'un groupe de contact à ce stade, de même qu'à la participation sur la base des groupes régionaux. L'AUSTRALIE, le GRE, la MALAISIE, les PHILIPPINES, et le Kenya, au nom du GROUPE AFRICAIN, ont soutenu son établissement. La discussion sur la question se poursuivra.
DANS LES COULOIRS
La session bisannuelle de l’Organe directeur du Traité s'est ouverte sous la pluie se déversant sur Bali. Dans une région qui connait la dévastation causée par les tsunamis, les délégués ont exprimé leur sincère solidarité avec le Japon, aux prises avec les effets de la récente catastrophe naturelle. Conscient de la lourde charge de travail, les délégués sont rapidement passés à un mode de travail. Les avocats tout particulièrement ont semblé attendre avec intérêt les discussions sur le respect des dispositions. Un délégué s’est exclamé « nous avons effectué un bon travail intersessions ; nous devons juste résoudre quelques problèmes et nous pouvons établir quelque chose de vraiment bien ici ». Au même moment, les scientifiques se penchaient sur la nécessité d'améliorer la mise en œuvre du SMT, d'accélérer l’incorporation des RPGAA dans le système et de générer des paiements relatifs au partage des avantages. Les discussions de l'après-midi se sont concentrées sur l'argent : la clef pour assurer la mise en œuvre du Traité. Quelques délégués ont souligné que le fond du problème n’est pas simplement de s’accorder sur un budget de base et des engagements de contributions, mais également que davantage qu'une poignée de parties respectent réellement ces engagements et effectuent ces donations. Tout le monde a semblé convenir qu'à moins qu’un financement durable à long terme soit mis en place, le potentiel du Traité et sa pertinence risquent d’être minés. La fin du premier jour a présenté un autre souci : comment les délégués réussiront-ils à passer à travers l'ordre du jour, toute proposition de créer un sous-groupe étant apparemment tuée dans l’œuf? « Une session en sous-groupe peut en fait se dérouler dans une salle plus chaude ! » a plaisanté un délégué pour inciter les délégués à sortir du hall de plénière congelé. |